Au Brésil, Lula passe sa première nuit en prison
« Je ne suis pas au-dessus des lois », a dit l’ancien président à ses partisans, réunis au siège du syndicat des métallurgistes, le berceau de sa carrière politique.
A la foule en larmes, il a assuré, bombant le torse : « On tue un combattant, mais la révolution continue. » Essoufflé et ému, le vieil homme a alors confirmé sa reddition. « Je ne me cache pas. Je n’ai pas peur (…), a-t-il dit. La tête haute, je dirai au représentant de la police : “je suis à votre disposition.” »
Dans l’après-midi du samedi 7 avril, après une messe en hommage à son épouse défunte et un long plaidoyer de cinquante-cinq minutes, l’ancien président brésilien, Luiz Inacio Lula da Silva, a fini par obéir à la justice.
Porté par les militants, scandant le poing levé « Lula guerrier du peuple brésilien », l’ancien chef d’Etat s’est d’abord replié à l’intérieur du syndicat des métallos, à Sao Bernardo do Campo dans la banlieue de Sao Paulo. Bloqué plusieurs fois par les manifestants qui refusaient sa reddition, il a fini par partir, à pied, à 18 h 45, pour rejoindre les locaux de la police fédérale.
Douze ans et un mois de prison
Samedi soir, l’icône de la gauche, « père des pauvres » et porte-parole de la lutte ouvrière, est arrivé au siège de la police fédérale de Curitiba (sud) pour passer sa première nuit dans une cellule de quelques mètres carrés pour purgerune peine douze ans et un mois de prison. Les suites d’une condamnation infligée le 24 janvier pour des faits de corruption que l’ancien syndicaliste continue de nier.
« Dans quelques jours, la justice prouvera que celui qui a commis un crime, c’est le policier qui m’a accusé, le juge qui m’a condamné. » Et, rappelant les progrès sociaux spectaculaires accomplis lors de ses deux mandats, il poursuit : « Il y a très longtemps, j’ai rêvé qu’il était possible pour un métallurgiste sans diplôme universitaire de s’occuper davantage d’éducation que les diplomates et les privilégiés qui gouvernent ce pays. Si c’est ça le crime que j’ai commis, alors je resterai un criminel, car je vais commettre beaucoup, beaucoup d’autres crimes. »
Quarante ans après avoir orchestré, sous la dictature militaire (1964-1985) une grève historique dans le syndicat signant le démarrage de sa carrière politique, Lula y tire sa révérence. Avec un certain panache dénué de modestie, il adoube la relève, embrassant Manuela d’Avila, candidate du Parti communiste brésilien (PCdoB) à l’élection présidentielle d’octobre, et Guilherme Boulos du Parti socialisme et liberté, (PSOL), omettant curieusement de présenter celui qui promet d’être le candidat de son propre parti, le Parti des travailleurs (PT), l’ancien maire de Sao Paulo, Fernando Haddad.
Fier d’avoir su propager ses idées au sein d’une jeunesse militante, il rassure ceux qui le pensent irremplaçable : « Il y a des millions et des millions de Lula. Mon cœur continue de battre dans vos cœurs. » Et devant un parterre de ses fidèles, submergé d’émotion, il conclut : « Ils ne pourront pas emprisonner nos rêves. »
Comme un Dieu
« Une page de l’histoire du Brésil se tourne », commente l’historien Luiz Felipe de Alencastro. « Lula est un leader social et politique depuis plus de trente ans. Il a fait campagne, ville par ville, village par village. Il connaît le pays parfaitement. Il est né pauvre, n’a pas dépassé l’école primaire, il représente la majorité sociale des Brésiliens », souligne-t-il.
Chaviré par la condamnation de celui qu’ils vénèrent comme un Dieu, un petit groupe de sympathisants guettait encore Lula à l’aéroport Congonhas de Sao Paulo, où l’ex-métallo devait embarquer dans un avion affrété par la police fédérale pour rejoindre Curitiba, la ville du juge Sergio Moro, chargé de l’opération anti-corruption « Lava Jato » (« Lavage express »). Là, un autre groupe, hostile à l’ex-chef d’Etat, attendait de célébrer l’incarcération de celui qu’ils considèrent comme « le plus grand bandit de l’histoire du pays ».
La Rédaction
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