Epidémie de choléra en Haïti : «On va droit à la catastrophe»

Le choléra est de retour en Haïti. Avec le début imminent de la saison des pluies, l’épidémie réapparaît. Thierry Goffeau, chef de mission de MSF France sur l’île, alerte sur un phénomène récurrent, qui a touché 535 000 personnes depuis deux ans et en a tué 7 000.

Les premiers chiffres dont vous disposez témoignent-ils d’une aggravation par rapport à l’an dernier ?

La semaine passée, on a traité dans nos centres 935 cas de choléra, contre 500 l’année dernière à la même période. Mais c’est aussi dû au fait que beaucoup d’organisations internationales ont quitté Haïti et que les financements sont en baisse. Du coup, les patients se tournent davantage vers nous. On peut aussi noter que le taux de létalité est en hausse : il était de 2,23 pour 100 cas en 2010, il est supérieur à 3 cette année. L’épidémie avait déjà frappé Haïti en 2011.

Comment expliquer que la situation se réédite cette année ?

Il y a eu un manque de préparation des autorités durant la saison sèche. Le choléra est tombé dans l’oubli. Pourtant, les facteurs de risque sont toujours présents, et ont même augmenté. Le choléra se transmet via les matières fécales infectées, et notamment par le biais de l’eau. Or, dans les camps de déplacés, les latrines ne sont plus vidées ! Le taux de défécation à l’air libre est passé de 38% à 50%. L’accès à l’eau propre, au savon, ou encore au chlore est insuffisant. Pourtant, le choléra est facile à soigner s’il est pris en charge assez tôt. Il faut simplement réhydrater le patient avec des solutions toutes faites. En revanche, si on tarde, le malade peut être tué en quelques heures, après des diarrhées liquides et des vomissements.

Aucune leçon de l’an passé n’a donc été retenue ?

Si, des choses ont été faites, notamment au niveau de la sensibilisation. Il faut savoir que le choléra n’existait pas en Haïti avant le séisme de 2010. Désormais, les gens savent ce qu’est le choléra, et comment s’en protéger. Mais s’ils n’ont pas de savon ou d’aquatab, ces petites pilules de chlore qu’on plonge dans l’eau pour la nettoyer, ça ne sert à rien. En fait, il y a un manque criant de financements. Les salaires des staffs dans les centres de traitement ne sont plus versés. Si on continue comme ça, on va droit à la catastrophe.

De combien ont diminué les financements versés par les Nations unies et les bailleurs de fonds ?

Sur le volet eau et assainissement, 35 millions de dollars [27 millions d’euros, ndlr] avaient été demandés en 2012 au titre d’un appel de fonds coordonnée par les Nations Unies pour l’ensemble de ses partenaires humanitaires [dont MSF ne fait pas partie, ndlr]. Pour l’heure, seuls 4,3 millions de dollars ont été trouvés. C’est largement insuffisant. Même topo pour le volet santé : 2,5 millions de dollars ont été reçus sur les 33,5 millions demandés.

Une campagne de vaccination a été lancée par l’ONG PIH. Cela va-t-il dans le bon sens ?

Oui, cela permet d’ouvrir les esprits à la vaccination. Mais il faudrait que ce soit encore plus massif pour être efficace. Cela suppose de l’argent, du savoir-faire, des doses de vaccin… Néanmoins, il ne faut pas se réfugier derrière la vaccination : l’action principale, c’est de travailler sur l’eau et la sanitation.

Source : liberation.fr / Recueilli par Sylvain MOUILLARD


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