Réflexion autour de la problématique de l’eau en Haïti par Michelet Nestor
Depuis plusieurs années, Haïti fait face à un sérieux problème d’eau. Parallèlement, l’État haïtien, à travers les institutions concernées, devient de plus en plus impuissant dans la gestion de l’eau dans le pays.
Le besoin en eau qui amène la sécheresse tend à devenir l’une des préoccupations de nombreuses villes de la première République noire. C’est le cas par exemple de la ville de Jacmel. Des rapports publiés par des organismes internationaux, particulièrement le rapport de la UNICEF montre clairement la faiblesse du système d’eau et assainissement haïtien où le taux de couverture nationale pour l’eau potable est de 64% avec un taux de 77% dans les zones urbaines et seulement 48% dans les zones rurales (Joint Monitoring Programme 2013/ UNICEF-OMS).
D’après cette instance internationale, la commune de Jacmel serait dans quelques années, une ville sans une seule goutte d’eau. Cette nouvelle problématique devient de jour en jour un fléau à abattre en Haïti, et tout ceci est causé en partie par le déboisement qui est endémique et le phénomène el niño (condition climatique générant des anomalies à grande échelle, liées à l’augmentation des températures de la surface de l’océan Pacifique). Selon des prévisions océanographiques avisées, ce phénomène a atteint un maximum d’intensité vers la fin de l’année 2017. En effet, seul un (1) usager sur deux a accès à une source d’eau améliorée tandis que sept (7) sur dix n’ont pas directement accès à l’eau potable. Cette situation pose une myriade de risques sur notre population qui ne peut pas se conformer aux exigences minimales d’un assainissement adéquat.
Comme pour toutes les ressources rares, satisfaire le besoin d’eau pour la consommation signifie un coût élevé pour les familles d’Haïti. Dans le cas d’un citoyen haïtien, les Nations unies calculent ce coût à 14% du revenu familial, alors qu’elles recommandent que ce coût ne dépasse pas 3%. Au fil des années, les politiciens ont essayé de faire comprendre qu’ils apporteront une solution définitive au problème de l’eau, qui n’est pas tout à fait le cas. Certaines expériences ont été couronnées de succès par des organisations et l’État haïtien. La vérité, cependant, est que nous manquons d’un plan global qui permet une solution durable à cette question essentielle pour notre développement en tant que société. N’oublions pas que l’eau est l’un des éléments essentiels à contrôler pour la bonne marche d’une société, et aussi, elle rentre dans la question de l’emploi. Par exemple l’agriculture représente plus de 60% du secteur de l’emploi et elle occupe une place prépondérante dans l’économie haïtienne. Ainsi, l’eau devient-elle un élément économiquement fort, puisque le facteur essentiel de l’agriculture revêt de cette substance vitale et ne pas enclencher une politique dans le secteur d’approvisionnement en eau en Haïti prouve que le pays va de plus en plus du mauvais côté.
L’éradication des maladies provoquées par la consommation d’eau non traitée et l’accès facile au liquide vital causent de sérieux dommages à la population. Prêter attention à cette situation grave est urgent. Les autorités pensent que les Haïtiens sont habitués à vivre dans cette situation lamentable et ne prennent pas de mesures pour une solution finale. La première chose que nous devons faire est d’étudier en profondeur la situation de chacune des communautés à travers tous les départements qui composent le pays. Sur la base d’un diagnostic adéquat du problème, nous pouvons présenter un plan qui, du point de vue de l’État, conduit à une solution définitive à la pénurie d’eau que subit notre population. Il est vrai que nous avons reçu d’aides internationales de différentes sources, comme la Banque mondiale et des pays comme l’Espagne et autres, ces pays ont été impliqués dans la recherche de solutions qui répondent partiellement à la question de l’eau courante. La nouvelle vision pour Haïti devrait permettre que chaque famille dispose dans sa maison d’une alimentation en eau potable. Une eau de qualité accessible à un prix bien inférieur aux coûts sur le marché. Bien sûr il faut rappeler qu’il est aussi important de traiter les problèmes climatiques qu’Haïti subit depuis bien des années qui ne comptent pas s’arrêter du jour au lendemain. Le ministère de l’Environnement en 2011 (Haïti : Deuxième communication nationale sur les changements climatiques), selon des modèles utilisés par tous les pays de la Caraïbe, prévoit jusqu’à 20% des précipitations pour l’année 2030 alors que la baisse des précipitations atteindrait près de 36% de la quantité des pluies pour l’année 2060. Avec les changements climatiques, le rythme de la sécheresse tend à être presque annuel : 2012, 2014, 2015, 2017 (on n’en est plus pour une sécheresse sur chaque cinq ans.
Cependant, il est de la responsabilité de l’État, en coordination avec les gouvernements locaux, de trouver des solutions à ce problème et de tenir compte du fait que la capacité insuffisante de production d’électricité nous empêche d’avoir accès à des solutions viables. L’accès à l’eau potable doit cesser d’être une simple offre électorale et devenir une réalité qui place Haïti sur la voie du développement. C’est à partir de la solution à des problèmes fondamentaux comme celui-ci que nous pouvons commencer à penser à des plans d’agriculture et d’élevage à grande échelle qui nous aident à planifier notre autosuffisance en matière de production alimentaire.
L’État doit entamer son régime d’autosuffisance, développer ses capacités dans la création de plans durables pour fournir de l’eau à nos populations, établir des relations avec des firmes internationales spécialisées en Adduction en eau potable et monter véritablement une politique d’assainissement dans le pays. Le développement des compétences en politiques publiques nous aidera à créer des plans directeurs qui imposent une utilisation adéquate des ressources de l’État et des échéances pour l’accomplissement des tâches nécessaires pour améliorer et maintenir notre infrastructure.
Il y a des exemples d’îles semi-désertiques dans les Caraïbes comme Aruba qui ont un excellent service d’eau propre à la consommation humaine. Nous devons étudier ces cas et tirer parti des expériences pour éviter les essais et les erreurs. Il n’est pas souhaitable qu’au XXIe siècle, une nation qui a rattrapé le reste de la région dans la lutte pour ses libertés soit encore plongée dans la l’incapacité de gérer son système d’adduction en eau potable. Nous devons réagir et commencer à créer nos solutions pour améliorer la qualité de vie. Résoudre le problème de l’eau en Haïti est une priorité dans la lutte pour garantir et faire respecter les droits de l’homme à chacun de nos ressortissants.
Michelet Nestor
Référence :
(Joint Monitoring Programme 2013/UNICEF-OMS)
La Rédaction
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