Une note de la BRH pour une meilleure compréhension du fonctionnement du marché des changes en Haïti
La présente note explique succinctement les mécanismes de formation des prix, le rôle de la BRH et les contraintes limitant la marge bénéficiaire des intermédiaires financiers sur les transactions de change. Elle est principalement destinée à faciliter une meilleure compréhension du fonctionnement du marché des changes en Haïti.
1) LE MARCHÉ DES CHANGES ET LA FORMATION DES PRIX
Le marché des changes haïtien est composé d’opérateurs formels (banques, agents de change) et informels (cambistes de rues, et des agents qui effectuent des opérations cambiaires sans accord de la banque centrale et sans autorisation légale).
Depuis l’adoption par Haïti d’un régime de change flottant en 1991, la formation des prix sur le marché des changes résulte de l’interaction entre l’offre et de la demande de dollars américains. Ainsi, l’évolution du taux de change s’explique principalement par les fondamentaux de l’économie, à savoir, la situation de la balance des paiements et celle des finances publiques, et par les imperfections du marché et les anticipations des agents économiques.
La Banque de la République d’Haïti (BRH) ne fixe pas le taux de change sur le marché. Cependant, elle peut être amenée à intervenir (à l’achat ou à la vente) pour limiter les fluctuations indésirables du taux de change, au regard de ses objectifs de stabilité des prix. Elle peut donc agir pour atténuer une appréciation conjoncturelle ou contenir une dépréciation de la gourde sans lien direct avec les fondamentaux de l’économie.
Au niveau du marché des changes, les taux pratiqués sur les montants faibles sont en général ceux qui sont affichés par les banques commerciales dans leurs succursales et via leur site web. Le taux affiché est basé sur la situation du marché à la fin de la journée antérieure en termes d’offre et de demande. Ce taux donne également une idée approximative de la réalité du marché tout en indiquant dans quel sens et comment les transactions vont être négociées.
Pour les montants plus élevés, le taux pratiqué fait en général l’objet de négociation entre l’acheteur et le vendeur. Il est déterminé par les disponibilités du marché par rapport à la demande et par les anticipations des agents économiques.
2) RÔLE DE LA BRH SUR LE MARCHÉ DES CHANGES
La BRH fait obligation aux banques de lui soumettre toutes les transactions réalisées pour la journée de la veille. Ces transactions concernent tous les achats et ventes de dollars (par montant et par taux). Deux taux sont calculés de ces transactions :
1) Taux de référence
2) Taux Moyen d’Acquisition (TMA)
En communiquant leur taux, la BRH procède au calcul du taux de référence ainsi que du TMA ou Taux moyen d’ac- quisition par les banques. Les taux, une fois calculés, sont transmis aux banques, aux entités publiques et publiés sur le site de la BRH.
Le taux de référence est le résultat de la somme de la moyenne des taux d’achat pondérée par les volumes du système bancaire et du taux moyen d’achat de l’informel, en tenant compte du poids de chaque segment du marché. Ce taux sert de référence aux participants du marché. On l’utilise dans la comptabilité, pour les évaluations en douane, dans les transactions avec le gouvernement et toutes autres transactions de change selon la perspective de l’agent économique.
Le TMA ou Taux Moyen d’Acquisition par les Banques est le taux moyen auquel les clients acquièrent le dollar auprès du système bancaire, autrement dit, c’est le taux de vente moyen du système bancaire.
3) DISPOSITIONS RÈGLEMENTAIRES ET CONTRAINTES POUR LES BANQUES
La BRH, conformément à sa mission institutionnelle, veille constamment à la stabilité des prix incluant le taux de change. Ainsi, dans la mise en œuvre de sa politique monétaire, la BRH agit de manière à réduire la volatilité sur le marché local des changes. Afin de limiter les mouvements spéculatifs, la BRH a pris des mesures règlementaires à travers deux (2) circulaires :
CIRCULAIRE 81-5
• Les banques doivent maintenir une position cambiste nulle en fin de journée, c’est-à-dire, elles peuvent acheter autant de devises qu’elles veulent pourvu qu’elles vendent le même jour la totalité de leurs acquisi- tions, ramenant ainsi leur position de change cambiste à 0 unité monétaire. Si au cours d’une journée, une banque a acheté plus de devises qu’elle n’en a vendues, la BRH acquiert automatiquement le surplus en débitant le compte dollars de l’institution fautive domicilié chez elle et en créditant le compte en gourdes au taux de référence de la BRH.
• Les banques doivent également garder en tout temps une position structurelle cumulée longue inférieure ou égale à 0.5 % de leurs fonds propres comptables. La position structurelle de change sur une devise est la différence entre les avoirs que la banque détient dans cette devise et les engagements libellés dans la même devise qu’elle a envers la clientèle.
CIRCULAIRE 97
En vertu de cette circulaire, les banques doivent respecter en tout temps un ratio maximum de 50% entre le montant des prêts en devises (prêts bruts nets des déductions autorisées) et celui des passifs en devises. Cette norme limite le niveau des prêts en devises qu’une institution bancaire peut accorder compte tenu du niveau de ses passifs libellés
GLOSSAIRE
ANTICIPATION: Une anticipation est une hypothèse faite par un agent économique sur l’évolution future de certaines variables
(inflation, taux de change, taux d’intérêt, salaire…). L’agent économique peut fonder ses décisions en conséquence.
APPRÉCIATION MONÉTAIRE : L’appréciation monétaire est l’augmentation de la valeur d’une monnaie par rapport à une autre. Dans le contexte haïtien, cette appréciation peut résulter d’une entrée importante de devises des transferts courants (provenant de la diaspora ou de l’aide internationale à Haiti), et de la bonne tenue des fondamentaux de l’économie.
DÉPRÉCIATION MONÉTAIRE : La dépréciation monétaire désigne la baisse de valeur d’une monnaie par rapport à une autre. En Haïti, la dépréciation de la gourde est généralement observée par rapport au dollar E.U qui est la monnaie de référence. Cette dépréciation peut résulter de l’accumulation de déficits budgétaires et commerciaux élevés, des anticipations pessimistes des agents économiques ou encore d’un excédent de monnaie en circulation par rapport à la capacité productive d’une économie.
FONDAMENTAUX DE L’ÉCONOMIE : Les fondamentaux sont des variables ou indicateurs qui permettent d’analyser et de déter- miner le potentiel d’une économie (PIB, taux inflation, balance des paiements, budget etc.).
IMPERFECTIONS DU MARCHÉ: Quand les conditions permettant le bon fonctionnement du marché ne sont pas réunies. Il s’agit de la formation des prix dans un environnement non-concurrentiel.
INTERACTION DE L’OFFRE ET DE LA DEMANDE: Dans un marché concurrentiel, la rencontre de l’offre et de la demande déter- mine le prix. Le prix est aussi déterminé par les facteurs qui influencent l’offre ou la demande. Si la demande dépasse l’offre, le cours augmente et vice versa.
MARCHÉ CONCURRENTIEL: Un marché concurrentiel ou un marché en concurrence pure et parfaite est un lieu de rencontre d’une multitude d’offreurs et de demandeurs sur lequel s’établit un prix et une quantité d’équilibre (quantité offerte = quantité demandée). Certaines conditions doivent être vérifiées afin d’affirmer rigoureusement qu’un marché est concurrentiel. Elles incluent la qualité homogène du bien, l’accès égal à l’information et l’absence de collusion.
MESURES RESTRICTIVES: Ensemble de mesures prises par une banque centrale pour réduire l’offre de monnaie en vue de lutter contre l’inflation et de garantir la stabilité des prix.
MOYENNE PONDÉRÉE: La moyenne pondérée s’obtient en multipliant les taux de change moyens de chaque banque par les volumes correspondants (achats ou ventes). Les produits ainsi obtenus sont additionnés et divisés par l’effectif total (volume total en devises).
POLITIQUE MONÉTAIRE: La politique monétaire est l’ensemble des moyens et instruments dont disposent les Autorités
Monétaires (Banques Centrales) pour agir sur l’activité économique par l’intermédiaire de l’offre de monnaie.
POSITION CAMBISTE: C’est la différence entre les achats et les ventes de change au cours d’une journée ouvrée. Cette position est déficitaire quand les achats sont inférieurs aux ventes. Elle est excédentaire quand les achats dépassent les ventes.
POSITION STRUCTURELLE DE CHANGE: La position structurelle de change sur une devise est la différence entre les avoirs que la banque détient dans cette devise et les engagements libellés dans la même devise qu’elle a envers la clientèle. Cette position est courte quand les engagements sont inférieurs aux avoirs. Elle est longue quand les avoirs excèdent les engagements.
SPÉCULATION: La spéculation est une opération financière qui consiste à anticiper les mouvements des marchés afin d’effectuer des transactions plus fructueuses en terme de plus-values plutôt que satisfaire aux besoins d’une activité réelle.
TAUX DE CHANGE: C’est le prix d’une monnaie par rapport à une autre. Par exemple, la quantité de gourdes offertes pour obtenir un dollar américain ou toute autre devise disponible sur le marché.
TRANSACTION DE GRÉ À GRÉ: Une transaction de gré à gré est une transaction conclue directement entre un vendeur et un acheteur, c’est-à-dire sans intermédiaire.
VOLATILITÉ: C’est l’ampleur des variations d’un cours financier ou de change. Elle sert de paramètre de quantification du risque de rendement et de prix d’un actif financier.
Fait à Port-au-Prince, le 25 Février 2019
La Rédaction
Contact : actualites@haitinews2000.com
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