Le Conseil de sécurité crée la mission politique spéciale « BINUH » pour prendre le relais de la MINUJUSTH à l’automne

Le Conseil de sécurité crée la mission politique spéciale « BINUH » pour prendre le relais de la MINUJUSTH à l’automne

Afin de succéder à la mission de maintien de la paix de l’ONU en Haïti, dont le retrait définitif est prévu mi-octobre, le Conseil de sécurité a décidé de créer, pour une période initiale d’un an, le Bureau intégré des Nations Unies en Haïti, qui sera chargé de « conseiller » et « d’épauler » le Gouvernement haïtien dans ses efforts pour renforcer la stabilité politique et la bonne gouvernance du pays.


Faisant écho à la déception de plusieurs membres du Conseil, qui auraient souhaité un mandat plus ambitieux, le Gouvernement du pays a regretté que la nouvelle mission ne soit pas davantage « à la hauteur des difficultés » auxquelles se heurte Haïti.

Dans sa résolution

2466 (2019), adoptée en avril dernier, le Conseil avait prorogé le mandat de la Mission des Nations Unies pour l’appui à la justice en Haïti (MINUJUSTH) pour une période finale, censée se terminer le 15 octobre 2019. Le Conseil avait également prié le Secrétaire général de planifier le maintien d’une présence appropriée du système des Nations Unies en Haïti, en plus de son équipe de pays, notamment via la création d’une mission politique spéciale.

C’est désormais chose faite. Le nouveau Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH), créé par la résolution

2476 (2019) adoptée ce matin, prendra ses fonctions dès le lendemain du retrait de la MINUJUSTH, le 16 octobre prochain, pour une période initiale de 12 mois. En vertu de la résolution, adoptée par 13 voix pour et 2 abstentions (Chine et République dominicaine), le BINUH sera dirigé par un représentant spécial du Secrétaire général, dont la nomination devrait intervenir « dans les plus brefs délais », et jouera un rôle de bons offices, de conseil et de sensibilisation politique.


Le moment est « historique », ont jugé les États-Unis, à l’origine du texte. La MINUJUSTH et, avant elle, la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH), ont contribué avec succès à renforcer la démocratie en Haïti, a salué le représentant américain, voyant dans la transition annoncée aujourd’hui le reflet de cette nouvelle réalité sur le terrain.

Concrètement, le BINUH aura pour tâche de conseiller le Gouvernement haïtien sur les moyens de promouvoir et de renforcer la stabilité politique et la bonne gouvernance dans le pays, ainsi que de l’épauler en vue de: planifier et tenir des élections libres, justes et transparentes; renforcer la capacité de la Police nationale à faire face à la violence des gangs et sexuelle, grâce notamment à des formations sur les droits de la personne et la maîtrise des foules; réduire la violence de quartier, et en particulier la violence des gangs; lutter contre les atteintes aux droits de la personne; améliorer la gestion de l’administration pénitentiaire afin de traiter les détenus dans le respect des normes internationales; réformer le secteur de la justice pour lutter contre la corruption et les détentions provisoires prolongées, tout en veillant à ce que la nomination des juges se fonde sur le mérite et à ce qu’ils soient renouvelés en temps voulu.

Tout en remerciant les États-Unis pour leur initiative, le Pérou a exprimé sa déception face au fait que la résolution ne mentionne ni les rôles du Fonds pour la consolidation de la paix et du Groupe consultatif ad hoc sur Haïti, qui pourraient contribuer, selon Lima, aux efforts du BINUH, ni la « forte vulnérabilité » de Haïti face aux changements climatiques. Nous sommes en effet « surpris et déçus » que le texte ne fasse pas référence aux conséquences sécuritaires des effets des changements climatiques sur le pays, a renchéri l’Allemagne, et ce, alors même que le Conseil n’a eu de cesse de s’inquiéter, depuis 2011, des facteurs climatiques dans l’aggravation des menaces à la paix internationale. En tant que l’un des pays les plus exposés au « multiplicateur de menaces » que constituent les changements climatiques, Haïti risque de voir apparaître de nouveaux conflits sur son territoire, a mis en garde le représentant allemand, appelant le Conseil à inclure davantage cette dimension dans ses décisions, sur la base de données fiables et d’analyses des risques. Ignorer les changements climatiques ne fait pas disparaître la menace qu’ils représentent et mine l’efficacité des travaux du Conseil, a insisté le pays.

Une telle omission est d’autant plus dommageable, a ajouté la France, que la situation du pays est actuellement marquée par l’instabilité politique, la détérioration de la situation économique, l’état très préoccupant des finances publiques, l’insécurité alimentaire, les difficultés d’accès aux services de base et des niveaux élevés de violence. Le Bureau intégré va donc entamer sa mission dans un contexte difficile et il est à craindre, hélas, que cette situation « extrêmement volatile » ne se détériore dans les semaines et mois à venir, a mis en garde le représentant de la France.

Face à cette « détérioration évidente » de la situation sécuritaire, nous aurions justement voulu un mandat plus large, robuste et pluridimensionnel, a déclaré la République dominicaine, qui s’est abstenue lors du vote. Or la proposition du Secrétaire général n’est pas assez précise dans ses objectifs, ni suffisamment ample pour préserver la stabilité de Haïti, a estimé le pays. Selon lui, une approche « basée exclusivement sur la sécurité » est insuffisante; elle doit se doubler d’un appui au renforcement du système politique et électoral haïtien. La nouvelle mission aurait pu démarrer sur les chapeaux de roue en prenant en compte tous les aspects de la crise haïtienne, a poursuivi la République dominicaine, dont le territoire national est situé sur la même île que Haïti. Or, nous sommes déçus de constater que cette occasion de participer activement à l’amélioration du futur de Haïti « en soit réduite à une mission aux attributions et ressources limitées ».

Malgré notre contexte national difficile, la création du BINUH est un pas dans la bonne direction, a nuancé Haïti. Certes, notre pays se heurte à des difficultés majeures, mais la situation ne comporte pas de menace à la paix et la sécurité régionales, a-t-il assuré, saluant l’attachement du Conseil à la souveraineté et l’indépendance haïtienne. Rappelant que l’action du nouveau Bureau sera essentiellement axée sur des conseils stratégiques aux autorités haïtiennes, le pays a appelé l’ONU à s’efforcer d’œuvrer « concrètement » pour le bien de tous les Haïtiens.

On ne peut toutefois construire un environnement sûr et stable dans un contexte marqué par la pauvreté, la faim, les inégalités sociales et l’exclusion, a noté Haïti. Dans ce contexte, « nous aurions voulu une mission politique spéciale à la hauteur des difficultés auxquelles se heurte le pays », a-t-il regretté, insistant sur la dimension politique, économique, sécuritaire, alimentaire, humanitaire et environnementale de la crise actuelle, à laquelle s’ajoute la lutte pour éradiquer le choléra. Je garde bon espoir que la mission disposera des moyens financiers adéquats pour aider les autorités à surmonter ces difficultés, a cependant déclaré le pays, encourageant le Conseil de sécurité et le Conseil économique et social (ECOSOC) à faire en sorte que la présence onusienne en Haïti soit « intégrée, équilibrées et synergique », selon les trois piliers de l’Organisation.

Le mandat du Bureau doit être « simple et concis », a de son côté estimé la Chine, second abstentionniste lors du vote. Malheureusement, les amendements que nous avons proposés lors des négociations du texte n’ont pas été retenus et la résolution ne reflète pas les « inquiétudes légitimes » de la Chine concernant la capacité du Bureau à s’acquitter de sa mission, a regretté le pays. De son côté, la Fédération de Russie a appelé la nouvelle mission politique spéciale à mettre l’accent sur le renforcement de la Police nationale d’Haïti, qui se verra confier à partir d’octobre la responsabilité de la sécurité de la population.

Dans sa résolution, le Conseil souligne par ailleurs que le BINUH devra entretenir une relation étroite et soutenue de coordination et de mise en commun de l’information avec toutes les entités des Nations Unies chargées des questions politiques, humanitaires, financières et liées au développement, ainsi qu’avec les autres partenaires locaux et internationaux présents en Haïti, afin d’éviter les chevauchements et d’utiliser au mieux les ressources existantes.

Le Conseil demande en outre au Secrétaire général de lui rendre compte, dans les rapports qu’il lui présentera tous les 120 jours à partir du 16 octobre 2019, de l’application de la résolution.



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