30 Dollars Us : quand le rappeur Youssoupha Mabiki joue pour des gens fortunés en Haïti
Par Fenley Cius —- Le vendredi 5 juillet 2019, le peuple haïtien a été courtisé par l’exceptionnel rappeur français d’origine congolaise, Youssoupha.
L’un des lyricistes les plus appréciés de la métropole française, et qui, au fil des ans, a taillé une place de choix au cœur de l’élite de la musique populaire de France, parmi lesquels : Kerry James, Sinik, Booba, Soprano pour ne citer que ceux-là. Face au concert que Youssoupha devait donner en Haïti, la population a assisté à une vaste campagne médiatique dans l’intérêt de sensibiliser toutes les couches vives de la Nation, particulièrement les plus avisées et les plus engagées, à participer à cette manifestation culturelle.
Youssoupha, le rappeur intello, qui déconstruit les barrières sociales et revendique les besoins sociaux de base pour les plus démunis, est rentré en maître et seigneur dans notre prestigieux salon diplomatique, à l’aéroport international Toussaint Louverture, vêtu d’un T-shirt ordinaire, des lunettes solaires, comme le ferait notre Wyclef Jean, sans même frôler l’attention de quiconque et même pas des acteurs économiques et/ou politiques, avec qui ce dernier avait signé un contrat.
Ce qui a attiré ma curiosité, c’est le fait que les groupes, medias, citoyens engagés qui sont les organisateurs de l’événement sont ceux et celles qui revendiquent chaque jour de la mise en place d’un nouveau système, avec des institutions plus fortes et plus solides.
Le salon diplomatique représente un espace sacramentel, un haut lieu, un environnement que personne ne peut violer ou marginaliser comme bon lui semble et qui représente aux yeux du monde le visage d’Haïti.
La visite des artistes internationaux, avec le support du secteur privé, n’est pas une grande première en Haïti.
Nous citerons par exemple : Rick Ross, Wyclef Jean, Chris Brown, Sean Paul et autres. Des artistes de renommée internationale, qui sont venus jouer dans le pays et qui ont performé gratuitement au Champ de Mars pour les sans voix, après avoir satisfait dans les hauteurs de Pétion-Ville la classe moyenne-moyenne et la petite bourgeoisie.
Ces organisateurs, dans le temps, savent qu’il fallait également partager « l’ambiance-interdite », puisque notre société assoiffée d’entendre en « live » ces artistes en concert n’auront jamais eu les moyens de payer un ticket au prix de 20, 30 ou 50 USD.
Le concert de Youssoupha au Parc historique de la Canne-à-Sucre, à l’occasion du cinquième anniversaire de la plateforme de médias en ligne AYIBOPOST, était au prix de trente 30 dollars américains, avec un taux de change catastrophique d’un dollar américain ($1) pour 95 gourdes actuellement (7 juillet 2019).
Mais les organisateurs de ladite Plateforme en ligne, qui prône de meilleures conditions de vie, à travers certaines émissions réalisées par des Petrochallengers comme Gael Bien-Aimé et autres Petrochallengers selon mes constats, n’ont pas planifié ce concert réellement pour les jeunes, voire les militants, étudiants (e) ou citoyens engagés qui vivent avec moins d’un dollar américain par jour. La grande majorité dépourvue de petites bourses devrait au moins avoir accès à un tel concert s’il n’était pas orienté pour les gens fortunés.
Devrons-nous comprendre que les bailleurs du programme n’ont pas agréé la demande pour que l’artiste joue pour le grand public dans les airs métropolitains ? Ou faisons-nous face à un petit groupe de personnes, qui, déjà, construit une équipe restreinte au détriment des plus faibles ou de la grande majorité ?
Face à cette situation, Peut-on parler d’une initiative qui pouvait avoir toute son essence dans la motivation de la population haïtienne à se soulever contre la vie chère et la mauvaise gestion du fonds PetroCaribe, pendant que les personnes marginalisées qui habitent les quartiers populaires ne pouvaient pas s’y rendre ?
Jusqu’ici les Petrochallengers ont été une référence dans la prise de position pour trouver les dilapidateurs du fonds PetroCaribe, mouvement auquel a permis aux nombreux jeunes de sortir pour manifester. Saurions-nous à présent assez lucide pour comprendre que ces jeunes prônent une autre couleur, ou ils pensent plutôt s’investir dans l’entrepreneuriat « Les Petro Entrepreneurs ».
Ce texte reste un questionnement face au concert donné par le rappeur Youssoupha Mabiki, venu en Haïti pour motiver le peuple haïtien et les jeunes militants à prendre en main leurs responsabilités face à la corruption, la vie chère et autres. L’artiste est venu mais n’a pas laissé de traces. Il a descendu sur le tarmac de l’aéroport en héro, mais a laissé le pays comme un vulgaire étranger.
M. Youssoupha n’a pas revendiqué, comme nombreux d’autres artistes l’ont fait, de jouer pour les sans voix et les secteurs les plus marginalisés, à savoir les étudiants, les écoliers, les Petrochallengers, les militants politiques et Haïti.
J’espère que l’artiste lira ce texte et pourra comprendre que sa venue dans la première République noire n’a été pour nous autres : militants, leaders et jeunes engagés, qu’une exhibition gratuite pour un petit groupe de jouisseurs, mais pas pour les assoiffés de justice et de révolution.
La Rédaction
Contact : actualites@haitinews2000.com
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