Bilan du tribunal de première instance de Saint-Marc dans le contexte de la covid-19
La lutte contre la détention préventive prolongée et le respect des droits des détenus se trouvent toujours au centre des débats publics en Haïti. Depuis plusieurs décennies, beaucoup de fonds sont investis dans ce domaine en vue de parvenir à une réponse concrète et appropriée. Le Gouvernement, dans les feuilles de route assignées aux différents Ministres de la Justice qui se sont succédés, en a toujours fait son cheval de bataille pourtant le problème reste entier.
Pendant la Période de la COVID-19, la question a été agitée au point de demander aux acteurs de procéder au décongestionnement des prisons. Ce qui sous-tend, à mon sens, une démarche judiciaire tendant à multiplier les audiences pour vider les dossiers en état de recevoir jugement. D’où faciliter l’accès à la justice comme l’un des principes caractérisant l’Etat de droit.
Pourtant, faisant sien ce principe, le Tribunal de Première Instance de Saint-Marc, depuis plusieurs années, avait déjà emboité le pas. Aujourd’hui encore, il continue sa lutte contre la détention préventive prolongée en vue de juger le plus grand nombre de détenus possible dans le délai raisonnable. Cet effort consenti avec le peu de moyens dont on dispose et tant d’autres allant dans le même sens ont porté plus d’un à classer le Tribunal au rang de ceux qui œuvrent pour une justice tout à fait accessible aux justiciables. Il se veut un Tribunal pilote, car certains problèmes qui constituent encore bien des obstacles dans le système, surtout en matière pénale, y sont déjà résolus. Dans ce cas, l’apport du système informatisé des cas judiciaires (GICAJ) déjà implémenté dans 11 juridictions du Pays est considérable puisqu’il facilite une gestion plus rationnelle des dossiers en cours de traitement.
Dans le souci d’apporter une réponse ponctuelle à certains problèmes d’ordre judiciaire, le Doyen Massillon et son équipe ont pu dégager une synergie extraordinaire en apportant des nouvelles idées pour faciliter le traitement des dossiers en temps réel. Par exemples, malgré les risques de contamination de la COVID -19, les acteurs se sont toujours rendus sur les lieux de travail pour traiter les dossiers. En 09 jours d’audience, soit les 16, 30 mars 2020 ; 6,13, 20,22 et 24 avril 2020 ; 04 mai et 06 juillet 2020, le tribunal a pu entendre 102 affaires correctionnelles et criminelles pour 111 détenus en rendant toutes les décisions séance tenante. Par exemple, seulement le 04 mai 2020, en un seul jour, 29 affaires correctionnelles ont été évacuées.
Toujours dans la perspective de rendre effectif le principe d’accès à la justice, le Doyen du Tribunal de Première Instance de Saint-Marc, Mag Noé Pierre Louis MASSILLON, conjointement avec les autres acteurs, a débuté ce lundi les assises criminelles avec et sans assistance de Jury pour vider 55 affaires criminelles pour 85 accusés. Le tribunal fonctionne en plein régime et aménage un espace pour vider les dossiers civils en état avant les vacances judiciaires. Ce resultat un peu satisfaisant, on l’obtient, en dépit du fait que les Juges travaillent avec peu de moyens. De plus, le Tribunal est réduit de ses capacités à cause de l’incapacité d’intervention de 5 juges qui attendant encore le renouvellement de leur mandat qui a trop duré à cause des lenteurs enregistrées du Côté du CSPJ et de l’exécutif.
Tout compte fait, il y a lieu de dire qu’aucun pays ne peut connaitre de progrès sans un système de justice fort et efficace. La Justice comme pilier de l’Etat de droit est transversale. Aussi, pour répondre à sa vocation, elle doit être inscrite au rang des grandes priorités de l’Etat. Car, autant que l’Etat ne fait pas de la justice sa priorité immédiate, tous les problèmes resteront entiers. Les prisons seront toujours engorgées, les détenus passeront 10 ans sans être jugés, les Citoyens et citoyennes seront toujours victimes et il n’y aura pas de stabilité sociale et politique .Donc, la seule manière de résoudre ce problème est de faire une césarienne institutionnelle en vue de mettre les compétences à leurs places dans tous les domaines et prôner un régime de reddition de compte axé sur une culture de résultats. Valoriser les bonnes pratiques et éviter de promouvoir la médiocrité.
Saint-Marc, le 13 juillet 2020.
Noé Pierre Louis MASSILLON
Doyen au Tribunal de Première Instance de Saint-Marc.
La Rédaction
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