Paiements par carte : Les stations-service haïtiennes à la traîne

Dans une société en constante évolution, où la digitalisation des transactions devient un incontournable, la situation des stations-service en Haïti soulève de sérieuses préoccupations. Il est frappant de constater qu’une grande majorité des pompes à essence du pays n’acceptent toujours pas les paiements par carte de crédit ou de débit. Cette lacune, à l’ère du numérique, illustre non seulement un retard technologique mais aussi une difficulté structurelle qui handicape les consommateurs et freine la modernisation économique du pays.

Marc, un automobiliste qui a récemment vécu cette situation, partage son expérience :
« Un soir, je roulais sur Delmas et j’avais un besoin urgent de faire le plein. Malheureusement, je n’avais pas de cash sur moi. J’ai fait le tour de plusieurs stations-service, mais aucune d’entre elles n’acceptait les cartes de crédit ou de débit. Finalement, j’ai dû demander à un ami de m’avancer de l’argent liquide. C’est incompréhensible dans un monde où tout devient digitalisé. »

Marc n’est pas un cas isolé. La majorité des clients des stations-service dans des zones comme Delmas, Pétion-Ville, et même dans certains secteurs du centre-ville, se retrouvent confrontés au même problème. À l’exception de quelques pompes situées dans des zones huppées comme Laboule ou Pèlerin, le paiement par carte reste un luxe inaccessible pour la majorité des consommateurs.

Dans un monde où l’utilisation du cash diminue progressivement au profit des paiements électroniques, l’absence d’infrastructures adéquates dans les stations-service haïtiennes est un signal d’alarme. Les systèmes de paiement électronique offrent non seulement plus de commodité pour les consommateurs, mais ils permettent aussi une meilleure transparence des transactions, ce qui pourrait contribuer à la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale.

Selon Jacques Lucien Jean., un expert en finance digitale basé à Port-au-Prince :
« Le manque de terminaux de paiement électronique (TPE) dans les pompes à essence n’est pas seulement un problème de modernisation, mais aussi une barrière au développement économique. Cela freine l’inclusion financière et limite l’accès des citoyens aux services de base. »

Les obstacles : Entre excuses et négligence

Lorsqu’on interroge les responsables des stations-service, plusieurs raisons sont évoquées pour expliquer ce retard. Certains pointent du doigt le coût élevé des terminaux de paiement électronique et des frais bancaires associés. D’autres évoquent la méfiance à l’égard du système bancaire.

Cependant, ces excuses ne tiennent pas face à l’urgence de la situation. Dans de nombreux pays confrontés à des défis similaires, des solutions innovantes ont été mises en place, telles que les terminaux mobiles alimentés par batterie ou les solutions de paiement par QR code via des applications mobiles. Haïti pourrait s’inspirer de ces modèles.

Pour que la société haïtienne puisse avancer dans la modernité, les propriétaires de stations-service et les autorités concernées doivent prendre ce problème au sérieux. L’intégration des paiements électroniques dans les pompes à essence n’est pas un luxe, mais une nécessité. Cela nécessite une collaboration entre les banques, les opérateurs de stations-service, et les autorités publiques pour mettre en place un cadre réglementaire et des incitations qui encouragent l’adoption des systèmes de paiement modernes.

Un enjeu pour la confiance des consommateurs

En définitive, le refus ou l’incapacité des stations-service à accepter les cartes de crédit et de débit reflète un manque de considération pour les besoins des consommateurs. C’est une problématique qui dépasse la simple question du paiement : elle traduit une absence de vision stratégique et de volonté de s’adapter aux réalités d’une économie moderne.

Si rien n’est fait, Haïti risque de continuer à fonctionner en marge de la révolution numérique mondiale, ce qui creusera davantage le fossé entre le pays et ses voisins. À l’inverse, en investissant dans ces technologies, les stations-service pourraient non seulement améliorer leur image auprès des consommateurs, mais aussi contribuer à l’évolution économique et technologique du pays. Une décision qui, à long terme, profiterait à tous.

La Rédaction

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