Négocier avec les gangs? Honte à vous, Kemi Seba

Tribune – Fenley Cius & Joel Pierre,
L’arrivée de Monsieur Kemi Seba au Cap-Haïtien, sans invitation officielle ni cadre institutionnel clair, illustre le vide abyssal de notre appareil étatique. Dans un pays où l’État est pratiquement absent, des figures controversées peuvent ainsi s’imposer dans l’espace public sans entrave, exploitant la vulnérabilité d’Haïti pour servir leurs propres intérêts.
Bien que le panafricanisme soit une idéologie respectable, l’utilisation d’Haïti comme simple toile de fond pour des ambitions personnelles est inacceptable. M. Seba, ayant perdu sa nationalité française et désormais conseiller d’une junte militaire au Niger, semble chercher à renforcer sa stature internationale en exploitant la vulnérabilité d’Haïti.
Derrière cette visite se dessinent plusieurs motivations personnelles déguisées en combat panafricaniste : promouvoir une légitimité endogène de la race noire; se positionner comme un leader mondial alternatif; renforcer sa campagne électorale au Bénin pour la présidentielle de 2026; attaquer la France pour la perte de sa nationalité; et symboliquement banaliser les luttes de nos ancêtres haïtiens en prétendant apporter des solutions.
Tous ces objectifs, qui lui attribuent seul toute la gloire recherchée, montrent qu’il utilise Haïti tout simplement comme tremplin.
Ce qui est particulièrement troublant, c’est de constater que M. Seba a été accueilli par des étudiants en droit au Cap-Haïtien, sans que l’on sache clairement qui l’a invité ni dans quel cadre institutionnel il s’exprime. Cette situation met en évidence l’absence de structures étatiques fonctionnelles et le manque de contrôle sur les activités publiques.
Plus inquiétant encore, M. Kemi Seba a affirmé que plusieurs chefs de gangs en Haïti avaient répondu favorablement à son appel visant à rediriger leurs actions « contre les véritables ennemis de la nation haïtienne ». « Depuis notre arrivée en Haïti, plusieurs chefs de gangs nous ont contactés.
Dans les prochains jours, nous rendrons publiques leurs propositions en réponse à notre appel », des propos aussi dangereux que cyniques, qui invoquent l’irresponsabilité la plus totale.
Cette déclaration grave, banalisant indirectement la violence armée, démontre une volonté manifeste d’exploiter le chaos pour se poser en médiateur politique. Elle soulève une question légitime que nous adressons directement à M. Kemi Seba : lorsque le capitaine Ibrahim Traoré a pris le pouvoir au Burkina Faso, a-t-il négocié avec les putschistes terroristes, ou les a-t-il combattus avec fermeté au nom de la souveraineté nationale ? Pourquoi alors encourager en Haïti ce que vous condamnez ailleurs ?
On ne peut pas prêcher l’ordre et la dignité sur un continent tout en tolérant la compromission avec des bandes armées qui terrorisent nos citoyens. On ne négocie pas avec les terroristes. Ce serait consacrer leur pouvoir de nuisance, valider leur mainmise sur la société et leur offrir une légitimité politique qu’ils n’ont jamais eue ni méritée. Accepter une telle logique reviendrait à normaliser l’extorsion, le viol, le meurtre et l’exil que subissent chaque jour des milliers d’Haïtiens.
La seule réponse que l’État – ou ce qu’il en reste – devrait leur adresser, c’est la justice, pas le dialogue par l’intermédiaire de figures auto-proclamées.
Il est impératif que les institutions haïtiennes reprennent le contrôle de l’espace public et veillent à ce que les discours et actions qui s’y déroulent soient alignés avec les intérêts nationaux. Haïti ne peut être un théâtre d’expérimentation pour des aventures idéologiques au détriment de sa population martyrisée.
05.06.2025
Ottawa, Canada
La Rédaction
Contact : actualites@haitinews2000.com
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