Temps d’apprentissage et réforme éducative : un enjeu collectif pour l’avenir d’Haïti

Temps d’apprentissage et réforme éducative : un enjeu collectif pour l’avenir d’Haïti

L’éducation constitue l’un des piliers fondamentaux du développement d’une nation. En Haïti, elle est non seulement un droit garanti par la Constitution amendée de 1987, conformément à l’article 32, mais également un devoir de l’État et de la société envers chaque enfant. Selon la planification du MENFP, l’année académique 2025-2026 compte 186 jours de classe et 11 jours de congé. Le nombre de jours de classe totalisent 844 heures pour le Préscolaire, 930 heures pour l’Enseignement fondamental et 1116 heures pour l’Enseignement secondaire. Cette planification témoigne d’une volonté de normaliser le temps d’apprentissage et de renforcer la continuité pédagogique. Pourtant, la réalité du système éducatif haïtien est marquée par de profondes perturbations qui réduisent drastiquement le nombre de jours de classe effectifs.

Le calendrier scolaire 2024-2025 prévoyait 188 jours d’enseignement. Or, dans les départements les plus affectés par la crise sécuritaire, certains élèves n’ont probablement pas bénéficié de plus de 90 jours.  Moins de la moitié de la population scolaire, a pu atteindre plus de 120 jours. Ces chiffres alarmants illustrent à quel point le droit à l’éducation est fragilisé.

Le temps scolaire : pilier de la réussite éducative

Le respect des jours de classe constitue l’un des premiers indicateurs de la qualité d’un système éducatif. Chaque journée perdue représente une lacune d’apprentissage pour l’élève et une difficulté accrue pour l’enseignant qui doit couvrir un programme ambitieux dans un temps restreint.

En Haïti, les perturbations scolaires dues aux crises politiques, aux revendications légitimes des enseignants, à l’insécurité ou aux catastrophes naturelles entraînent des pertes massives de journées d’enseignement. Or, le nouveau programme éducatif, fondé sur une approche par compétences et un apprentissage progressif, repose sur la régularité, la continuité et le suivi rigoureux. Sans ce temps incompressible, les objectifs pédagogiques deviennent inatteignables et les retards irréversibles.

La réforme curriculaire et ses exigences

La réforme curriculaire engagée par le Ministère de l’Éducation Nationale et de la Formation Professionnelle (MENFP) à travers le Cadre d’Orientation Curriculaire 2024-2054 vise à moderniser l’enseignement, à l’adapter aux besoins de la société et à renforcer les compétences des apprenants pour leur intégration sociale et professionnelle. Elle valorise la contextualisation des apprentissages, la culture nationale et l’ouverture sur le monde.

Cependant, cette réforme ne peut réussir qu’à condition d’être appliquée de façon continue. Les nouvelles matières, les méthodes actives et les approches transversales nécessitent du temps régulier d’enseignement. Sans cela, la réforme risque d’être vidée de sa substance, accentuant les inégalités entre écoles capables de maintenir une certaine stabilité et celles paralysées par l’instabilité.

La formation des enseignants : un levier conditionné par le temps scolaire

La formation initiale et continue des enseignants constitue un pilier essentiel pour réussir la réforme curriculaire. Les maîtres doivent assimiler les contenus du nouveau programme et adopter des méthodes pédagogiques innovantes et inclusives.

Toutefois, l’efficacité de cette formation dépend de sa mise en pratique en salle de classe. Si le temps scolaire est amputé, les enseignants n’ont pas l’occasion d’appliquer leurs acquis, ce qui réduit l’impact des investissements consentis et risque de démotiver un corps enseignant déjà fragilisé. Sauvegarder les jours de classe revient donc aussi à protéger la qualité et la crédibilité de la formation des enseignants.

Le droit à l’éducation en péril

Chaque enfant haïtien a droit à une éducation de qualité, gratuite et inclusive. Or, ce droit ne peut être effectif que si l’État, les enseignants, les parents et la société civile garantissent le respect du calendrier scolaire.

Lorsque des élèves passent une année entière avec moins de 90 jours de classe, alors que la norme internationale avoisine 180 jours, c’est une atteinte directe à leur droit fondamental. Dans un pays où l’éducation est considérée comme le principal levier de transformation sociale et économique, il est urgent de considérer la protection des jours de classe comme une responsabilité collective et un devoir citoyen.

Conclusion

La réussite de l’année académique 2025–2026 dépend de l’engagement de tous les acteurs éducatifs. Les autorités doivent garantir la sécurité des établissements, fournir les ressources nécessaires, et dialoguer avec les syndicats. Les enseignants doivent être soutenus dans leur mission et reconnus dans leur rôle central. Les parents doivent être informés et impliqués. Et la société civile doit veiller au respect du droit à l’éducation. Sauvegarder les jours de classe n’est pas seulement une exigence pédagogique : c’est un impératif moral et juridique en faveur du droit à l’éducation.

Ensemble, nous pouvons faire de l’école haïtienne un lieu d’apprentissage continu, de transformation sociale et d’espoir. Chaque jour de classe compte. Chaque journée sauvée est une victoire pour nos enfants et un pas vers l’avenir d’Haïti. Protéger l’école, c’est protéger notre futur.

 Bill Marken ALEXANDRE,

CFEFIEN, Professeur et Professionnel Senior à la Direction de l’enseignement fondamental du MENFP


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