Haïti-Reconstruction: L’aide internationale mise à l’index par ‘’assistance mortelle’’
Le dernier film du cinéaste haïtien Raoul Peck, ‘’assistance mortelle’’ met sur la sellette l’aide internationale qui a été promise et reçue par Haïti au lendemain du tragique séisme du 12 janvier 2010 qui a ravagé ce pays de la Caraïbe« Assistance mortelle » (Fatal assistance, en anglais), long métrage documentaire décrit durant une heure et 40 minutes le gaspillage, le retard et la mauvaise coordination caractérisant l’aide internationale promise par plus d’une dizaine de pays a Haïti, en vue de sa reconstruction.
« On ne peut constater que les 11 milliards de dollars promis collectivement à Haïti n’ont jamais été totalement déboursés, et encore moins utilisés pour une reconstruction réelle», remarque Raoul Peck dans la carte d’invitation à la découverte en avant-première du film.
Cette avant-première de ce film en langues originales anglais, créole, français – sous titres français, anglais, a eu lieu le mercredi 3 avril 2013 à la Fondation Connaissance et Liberté (Fokal). Un film coûtant 500 à 600 mille euros et résultat de 400 heures de tournage pendant deux années.
Nettement radical, «Assistance mortelle » met en cause la calamiteuse gestion par la communauté internationale d’une situation post-catastrophe complexe. Dans ce contexte d’énorme caravane humanitaire où s’affrontent des agences internationales, des ONG du monde, l’ancien Président Etats-Unien Bill Clinton, des experts internationaux, des avions d’humanitaires et d’incontournables stars Hollywoodiennes.
« Trois ans plus tard, la population haïtienne a non seulement été passablement marginalisée lors de ce discutable processus de reconstruction, mais se retrouve sans aucun doute encore plus démunie qu’avant la catastrophe », assène le réalisateur.
Factuel et sans concession, le documentaire porte un coup sévère à la bonne conscience caritative, à l’entêtement institutionnel et expose l’échec généralisé de l’aide au développement, tout en préconisant comme seule issue acceptable « l’arrêt immédiat des politiques et pratiques actuelles de l’aide et la redéfinition durable de son rôle et de sa gestion »
Le film a été vu pour la première fois au festival de Berlin en février, diffusé à la télévision belge fin mars, sera vu en France mi-avril 2013 et est invité à plus d’une trentaine de festivals à travers le monde.
« Il a eu même un début de panique en Haïti avec le titre “assistance mortelle’’, qu’on avait peur », a fait distinguer Peck, une manière de souligner l’impact que commence par avoir le film tant qu’en Haïti, qu’à l’étranger, affirmant que son but est de provoquer une discussion, mais non de défouler les gens.
Raoul Peck qualifie de « business humanitaire », l’action des institutions qui ont été plus de 4 000 au lendemain du séisme, ajoutant que « la dictature de l’aide est violente » et reconnait que « la catastrophe, ce n’est pas l’évènement, mais l’incapacité de l’affronter ».
« C’est pas une histoire qui concerne simplement Haïti, mais les 60 dernières années d’aide au développement et d’aide humanitaire, qu’il faut totalement repensé. S’il y une chose qui est claire pour moi pendant ces deux ans, c’est que ça ne fonctionne pas», insiste-t-il.
Il y a un certain nombre de principes qui ne sont pas respectés depuis au moins dix ans. Toutes les organisations ont ces principes dans leur charte, soit dans leur vision. N’intervenez jamais dans un pays pour causer des dégâts plus importants que ce que vous êtes sensés réparés. Et ça, n’est pas respecté, rappelle Peck.
« Travailler dans la transparence, travailler avec les gouvernements locaux. Nulle part, cela ne se fait. Ce serait déjà un début de solution, respecter les principes qui existent déjà sur papier », recommande-t-il
Le 12 janvier 2010, un tremblement de terre, durant près de 75 secondes a frappé Haïti, dont sa capitale Port-au-Prince et des villes comme Léogâne, Grand Goave et Petit Goave, laissant près de 230 000 tuées et 1,5 million de sans-abri.
Ainsi, Raoul Peck passe en revue plusieurs périodes clés post-séisme, entre autres la question d’enlèvement de décombres, les présidentielles haïtiennes de 2011, le processus de relocalisation des personnes dans les camps et la commission intérimaire pour la reconstruction d’Haïti.
Ex-ministre haïtien de la Culture entre 1996 et 1997, Raoul Peck a reçu de la part de « Human Rights Watch », le prix Irène Diamond pour l’ensemble de son travail en faveur des droits de l’homme. Il est à l’origine d’une riche filmographie comprenant « Haitian corner », « l’Homme sur les Quais », « Lumumba Sometimes in April», et Moloch Tropical.
@milforthaiti
La Rédaction
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