Controverse autour du camp Corail

Controverse autour du camp Corail
Controverse autour du camp Corail

Le camp Corail-Cesselesse a été originalement conçu pour accueillir 5000 personnes évacuées d’un campement, dirigé par l’acteur Sean Penn, au « country club » de Pétion-ville. Plusieurs des réfugiés y vivaient dans des tentes sur un terrain boueux dangereusement dénivelé. M. Penn et certains intervenants humanitaires voulaient que ces réfugiés soient les premiers parmi des milliers d’autres à quitter le centre-ville.




Mais à peine trois mois après que les premiers réfugiés se soient installés dans des tentes, le 29 juillet 2010, l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM), de l’ONU, a émis un rapport sur tout le territoire déclaré « utilité publique », déclarant la zone choisie pour les secteurs 1 à 4 est « propice aux inondations et aux rafales. Comme signalé plus tôt, elle est régulièrement inondée, au moins une fois par année. »

Le rapport conclut que, « comme les inondations y sont fréquentes et intenses, le site ne devrait pas servir au transfert et à la réinstallation » des déplacés internes.

Pourtant, World Vision puis l’OIM ont commencé à construire 1500 « abris provisoires » sur le site même. Aujourd’hui, 10 000 personnes y vivent toujours, et plusieurs ont investi dans leur « abri » pour le rendre plus permanent.

ONU-Habitat s’est opposée depuis le début à l’idée d’installer des camps aux abords de la capitale, selon ce que le directeur Jean-Christophe Adrian a affirmé à AKJ en janvier 2011.

« Corail a été créé sous la pression de la communauté internationale. Le gouvernement était opposé. Préval était tout à fait opposé à la création de Corail », d’après M. Adrian. « Cet agrandissement de la ville n’est pas recommandé… À l’époque c’était très clairement la pression de l’armée américaine et de notre ami Sean Penn, appuyés par le reste de la communauté internationale, qui pensait que c’était une bonne idée… »

« On a ouvert la boite de Pandore avec cette déclaration d’utilité publique », a-t-il ajouté. 



World Vision a affirmé à AKJ de ne pas avoir lu le rapport. Elle ne considére la région comme étant à haut risque. L’agence a ajouté que plusieurs intervenants humanitaires « trouvaient le processus précipité », mais que le gouvernement « avait déterminé que la relocalisation devait commencer immédiatement et avait choisi Corail comme site ». World Vision cherche actuellement des fonds pour réaliser un projet triennal de « subsistance et de formation et développement de la jeunesse » auprès des résidants des camps.

L’ancien dirigeant de l’American Refugee Committee dans le camp est plus direct et moins optimiste.

« L’ARC n’a pas été consulté lors de la planification du Camp Corail (et en fait n’était pas d’accord avec la façon dont les choses s’organisaient), écrit Richard Pool dans un courriel à AKJ. Sans s’opposer au déménagement des gens hors de la capitale, il note que « relocaliser des camps loin de Port-au-Prince, où les perspectives économiques sont à peu près nulles, était une erreur … Sans base économique, le plan était voué à l’échec. »

Hélène Mauduit, qui travaille pour Entrepreneurs du monde, au Camp Corail, constate : « certes il y a les abris, un hôpital et une école, mais il n’y a pas d’avenir pour les gens de Corail puisqu’il n’y a pas de travail ni de routes ni d’électricité. »

« Je pense qu’il faut prendre une décision au sujet de Corail. Soit qu’on décide de le détruire et de mettre les gens dans un autre espace, ou bien qu’on dise ‘Ah bon, ce sont des êtres humains qui vivent à Corail’ et qu’on y mette tout ce qui pourrait leur garantir une vie normale. Cité Soleil était ainsi au début. On emmène les gens là-bas. On dit qu’il va y avoir du travail. Et pourtant rien n’est jamais fait, jusqu’à ce que la zone se transforme en bidonville. »

L’ancien maire de Croix-des-Bouquets, Jean Saint-Ange Darius, explique à AKJ que, à la suite du séisme, « les autorités locales ont été ignorées et presque toutes les décisions ont été prises par le gouvernement central… On n’a pas participé au choix du site. »

Dans le film Assistance Mortelle de Raoul Peck, l’ancienne Conseillère principale pour le logement à la Commission Intérimaire pour la Reconstruction d’Haïti, Mme Priscilla Phelps, s’indigne à propos du camp Corail et des camps environnants :

« Quand on écrira l’histoire de la reconstruction d’Haïti, la communauté internationale fera un grand mea culpa à propos de ce site… je l’espère. »

17 juin 2013

Milo Milfort


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