EDITO – Afin que nul n’en ignore et n’oublie


En lieu et place de mon édito hebdomadaire sur Haïtinews2000, je prends le soin patriotique de publier :

  1. Pour l’actuel gouvernement haïtien
  2. Pour l’histoire
  3. Pour la génération d’hier, celle d’aujourd’hui et celle de demain
  4. Aux noms de tous ceux qui sont tombés en territoire voisin pour une raison ou une autre
  5. Pour notre dur entendement et pour nos souvenirs, une correspondance de têtes pensantes, de leaders responsables, conséquents et compétents, de grands visionnaires, établis entre le gouvernement haïtien et le gouvernement dominicain au courant de l’année 1963.

Le 28 avril 1963, à 4h30 du matin, le gouvernement dominicain de Juan Bosch adressait l’ultimatum suivant au gouvernement haïtien :

Santo Domingo 580 Domghr38  3.53 AM

Son excellence Monsieur René Chalmers, Ministre des Relations Extérieures de la République d’Haïti,

 Port-au-Prince, Haïti.

« Mon gouvernement a appris que la chancellerie de l’Ambassade dominicaine dans cette capitale a été envahie par des membres de la force publique haïtienne et que des membres de cette force y sont demeurées. Ils se sont aussi introduits en la résidence de l’Ambassadeur, interférant brutalement dans le libre mouvement de cette dernière. Ces violations aussi insolites des normes du droit international universellement consacrées et reconnues de manière spéciale par le système interaméricain ont entraîné la plus énergique répudiation de mon gouvernement. Cependant, il est lamentable de reconnaître que ces agressions brutales et inqualifiables ne sont en aucune façon des faits isolées et sporadiques, mais au contraire représentent le point éliminant d’une série de provocations irresponsables par lesquelles le gouvernement haïtien prétend porter outrage à la dignité de la nation dominicaine et faire affront à sa souveraineté.

«  Cette conduite inqualifiable est appelée évidemment à provoquer une séparation entre le peuple haïtien et le gouvernement dominicain. Prétention visiblement inopérante pour ce qu’il s’agit du peuple dominicain qui a une pleine conscience des différences existantes entre le peuple haïtien plein de vertus, respectueux des autres peuples et un gouvernement qui ignore les obligations les plus élémentaires de la communauté internationale. Mon gouvernement a des raisons pour ne pas garder le moindre doute que le but du gouvernement haïtien, comme le révèlent ses procédés, est d’arriver à provoquer une crise entre les deux pays afin de dévier l’attention du peuple haïtien de l’afflictive situation interne ; situation de laquelle est seul coupable le gouvernement haïtien. Je peux donner l’assurance à votre excellence que si mon gouvernement se sent déchargé, comme cela est évident, de toute responsabilité dans la crise interne qui afflige actuellement votre pays, il ne peut cependant tolérer un jour de plus que le gouvernement de la république d’Haïti puisse continuer à profiter de ces lamentables circonstances pour infliger des vexations à la dignité et à la souveraineté du peuple dominicain.

Vexations qui trouvent leur origine dans la conduite du gouvernement haïtien. Un conséquence, mon gouvernement exige du gouvernement haïtien le retrait immédiat des forces policières qui violent le siège de la Mission diplomatique dominicaine à Port-au-Prince et en plus le rend responsable de la sécurité personnelle de ceux qui on trouvé asile diplomatique en ladite Mission.

« Je dois avertir votre excellence que si une fin immédiate n’est mise à la conduite outrageante qu’observe le gouvernement haïtien et si ne sont offertes les réparations et les sécurités que commandent les offenses et les risques auxquels a été sujette la représentation de la République Dominicaine en Haïti, mon gouvernement adoptera avec rigueur, et à n’importe quel prix, les mesures nécessaires pour faire respecter la dignité et la  souveraineté de la nation dominicaine.

« Compte tenu de la gravité des faits et des circonstances dénoncés dans la présente, mon gouvernement espère que dans un délai irrévocable de vingt-quatre heures après l’envoi de ce message, le gouvernement haïtien agira de façon à donner des preuves non équivoques d’un changement radical de sa conduite vis-à-vis de la République Dominicaine.

« Je saisis l’occasion pour renouveler à votre excellence l’assurance de ma plus haute considération. »

André A. Freite, Secrétaire d’Etat des Relations Extérieurs de la république Dominicaine.

Port-au-Prince, Haïti, le 28 avril 1963

Son Excellence Andrés A. Freite

Secrétaire d’Etat des relations Extérieures de la république Dominicaine

« Mon gouvernement, en réponse au câble en date du 28 avril courant de votre excellence, m’a chargé de l’informer que :

« 1. Il n’y a eu à la date du 27 avril aucune violation de la résidence de cette Ambassade par des membres de la force publique haïtienne.

« Une démarche pareille de la force publique haïtienne aurait donné lieu à une bagarre sanglante entre cette force et les déserteurs des forces armées d’Haïti qui ont trouvé refuge à l’ambassade dominicaine et qui, contrairement à l’usage en la matière et à ce qui a été fait dans le cas d’autres ambassades asilantes, ont gardé leurs armes et leurs munitions.

« Le gouvernement haïtien  toujours assuré l’entière sécurité des Missions diplomatiques qui accordent asile à Port-au-Prince et en veut pour preuve le fait qu’il n’a jamais reçu de note de protestation émanant de ces Missions contre le comportement des membres de la force publique.

« 2. Le gouvernement haïtien en profite pour signaler à celui de votre excellence les nombreuses violations du droit et de la coutume en matière d’asile relevées à la charge de l’Ambassade dominicaine à Port-au-Prince :

« C’est l’ex-Premier Lieutenant François Benoit qui, ayant reçu l’asile à l’Ambassade dominicaine à la date du 25 avril en cours, a pu laisser cette Ambassade et participer le vendredi 26 avril à l’attentant perpétré contre la vie des enfants de son excellence Monsieur le Président de la République :

« Ce sont les membres de la Mission diplomatique qui transportent dans leurs propres voitures les criminels de droit commun qui fuient les justes sanctions par eux encourues ;

« Ce sont les armes et munitions des militaires refugies en l’Ambassade dominicaine qui n’ont pas été remises à la chancellerie Haïtienne.

 « 3. Le gouvernement haïtien regrette de déplorer que la démarche insolite faite dans le câble de ce jour de votre excellence a justement le but prêté si gratuitement au gouvernement haïtien, celui de détourner l’attention du noble et malheureux peuple dominicain de la situation interne de la République Dominicaine, situation qui se détériore de jour en jour et est marquée quotidiennement par des grèves répétées, des mouvements de foule, des arrestations arbitraires, des incendies de champs de canne. Cette démarche pourrait aussi avoir pour but d’offrir un dérivatif au puissant appareil de guerre légué à l’actuel gouvernement dominicain par la dictature de 32 ans du régime écoulé. Les problèmes et les soucis de l’actuel gouvernement dominicain à ce sujet ne sont d’ailleurs un secret pour personne.

« Cette démarche de votre excellence n’est d’ailleurs que l’aboutissement d’une série d’actes de provocation du gouvernement dominicain ;

« Assassinats pour ne pas dire lynchage de malheureux ouvriers agricoles haïtiens, hospitalisé généreuse et liberté complète de mouvement accordée à des ennemis notoires du gouvernement haïtien et l’on peut en passer.

« 4. Mon gouvernement déclare rejeter et rejette avec indignation les accusations erronées du câble de ce jour de votre excellence basées sur des faits inexistants. Il fait toutes ses réserves quand à l’action irréfléchie et téméraire dont le menace le gouvernement dominicain, seul responsable de tout ce que pourront entraîner de la part de ce gouvernement des actes attentatoires à la dignité et à la souveraineté du peuple haïtien.

« 5. Le gouvernement haïtien, dans la tradition d’indépendance et de liberté de son histoire, croit devoir rappeler qu’Haïti plus d’une fois est intervenue, au péril de son existence comme entité internationale, pour la sauvegarde et le respect de la souveraineté de la république Dominicaine et de l’intégrité du territoire dominicain.

« 6. Le gouvernement haïtien continuera à assurer comme il l’a toujours fait la pleine sécurité des Missions diplomatiques accréditées en Haïti et veillera jusqu’à son retrait du territoire de la république à la sécurité du personnel et des locaux de la Mission dominicaine en Haïti, conformément aux normes imprescriptibles du droit international et à la coutume en la matière.

« 7. Pour terminer, le gouvernement haïtien, en face du ton comminatoire du câble de votre excellence et des provocations répétées de votre gouvernement, prend la décision de rompre les relations diplomatiques et consulataires avec le gouvernement dominicain. Le gouvernement haïtien a déjà procédé au rappel de sa Mission diplomatique à Santo Domingo et s’attend à bref délai au retrait du territoire haïtien de la Mission diplomatique dominicaine.

« Je saisis cette occasion pour renouveler à votre excellence les assurances de ma considération la plus haute et la plus distinguée. »

René Chalmers,

Secrétaire d’Etat des Affaires étrangères de la République d’Haïti.

6. Afin que nul n’en ignore et n’oublie, afin de raviver la mémoire trop souvent en sommeil du peuple haïtien et des responsables de ce pays, aujourd’hui meurtri.

Vivianne GAUTHIER

Styliste, Ecrivain.


La Rédaction

La Rédaction Contact : actualites@haitinews2000.com

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