La justice haïtienne face aux sanctions ciblées contre des acteurs politiques
Le 21 octobre 2022, par une résolution, le Conseil de Sécurité des Nations-Unies a adopté, à l’unanimité, un régime de sanctions ciblées contre d’anciens et actuels dirigeants haïtiens. Ces sanctions prévoient : interdiction de voyager ; gel des avoirs ; embargo sur les armes entre autres. Ces dirigeants haïtiens sont accusés de participer ou soutenir des activités criminelles et la violence impliquant des groupes armés et des réseaux criminels, soutenir le trafic illicite et le détournement d’armes.
Nous publions dans cet article un extrait du rapport de la Fondasyon Je Klere, de l’impact de ces sanctions sur le système bancaire et financier, juridique et politique.
L’impact des sanctions sur le plan financier, commercial et bancaire
Le blanchiment de capitaux ayant une provenance illicite couvre aujourd’hui un certain nombre d’actes qui sont le produit d’une activité criminelle. Le financement du terrorisme est considéré comme une infraction sous-jacente au blanchiment de capitaux. L’origine des capitaux ou de biens est illicite lorsque ceux-ci proviennent notamment de la criminalité organisée, de l’enlèvement et de la séquestration de personnes, du trafic illicite d’armes, mais aussi de la contrebande, de la corruption, du détournement de fonds publics par des personnes exerçant une fonction publique, au délit d’initié, au pillage de richesses des peuples par quiconque, etc.
RAPPORT :
L’article 47 de la loi du 11 novembre 2013 sanctionnant le blanchiment de Capitaux et le Financement du Terrorisme dispose que : « Les fonds de terroristes, des personnes, entités ou organismes qui financent le terrorisme et des organisations terroristes nommément désignées par le Conseil de Sécurité des Nations-Unies agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations-Unies sont gelés par arrêté ministériel. Un arrêté pris en Conseil des Ministres, à la diligence des Ministres de l’Économie et des Finances, de la Justice et de la Sécurité Publique et de la Planification et de la Coopération Externe, définit les conditions et la durée applicables au gel est publié au journal officiel de la République.
Les institutions financières et toute autre personne ou entité qui détiennent ces fonds procèdent immédiatement à leur gel dès notification de l’arrêté ministériel jusqu’à ce qu’il en soit autrement décidé par le Conseil de Sécurité des Nations-Unies ou par un autre arrêté du Ministre de la Justice et de la Sécurité Publique. » ;
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Et l’article 48 d’ajouter : « …. Il est interdit aux institutions financières de fournir ou de continuer de fournir des services à ces mêmes personnes, entités ou organisations ; Il est interdit de réaliser ou de participer, délibérément et intentionnellement, à des opérations ayant pour but ou effet de contourner, directement ou indirectement, les dispositions du présent article »
En attendant la publication de la liste du Conseil de sécurité, les institutions financières peuvent-elles ignorer les sanctions américaines et canadiennes ? La réponse est non. Pourquoi ? La loi sur le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme prévoit l’obligation de vigilance et la nécessité de prendre des mesures préventives pour les institutions financières concernant toute relation d’affaires avec leurs clients. A ce titre, les institutions financières sont tenues, en ce qui concerne les relations de correspondant bancaire transfrontalier, aux termes de l’article 24 de la loi, « sur la base d’informations publiquement disponibles, d’évaluer la réputation de l’institution cliente et le degré de surveillance à laquelle elle est soumise ».
Aucune banque en Haïti ne peut prétendre ignorer les informations publiquement disponibles sur les personnes sanctionnées par les USA et le Canada et prendre le risque de maintenir des relations d’affaires avec ces personnes et exposer la banque à des sanctions de la part de banques correspondantes. Elles devront, au moins, fermer les comptes de toutes ces personnes sans avoir à justifier cette mesure préventive et leur restituer leur argent par chèque de direction.
L’impact des sanctions sur le plan juridique
La loi sur le blanchiment des capitaux de 2013 prévoit (article 70) qu’au niveau de chaque Parquet des Tribunaux de Première Instance de la République, doivent être nommés un ou plusieurs substituts du Commissaire du Gouvernement spécialisés en matière d’infractions financières aux fins d’engager les poursuites éventuelles. Et ces substituts spécialisés en matière d’infractions financières peuvent être saisis par tous les moyens de droit, c’est-à-dire, par dénonciation, plainte, sur demande de l’UCREF, ou de tout 9 organisme public ou privé, ou de toute personne physique ou morale, dans les formes prévues par le code d’instruction criminelle.
La loi prévoit également la nomination d’un juge d’instruction spécialisé en matière d’infractions financières devant la juridiction de chaque tribunal civil. Ce sont là des dispositions de la loi de 2013. On ne peut pas prétendre ne pas pouvoir répondre à ces exigences légales neuf ans plus tard.
La même loi prévoit, dans le cadre d’entraide judicaire que les biens confisqués par un tribunal étranger sur le territoire haïtien reviennent à l’État haïtien. La loi de 2001 sur le blanchiment, amendée partiellement en 2013, prévoit à l’article 5.1.1 qu’en matière de coopération internationale :“L’État d’Haïti coopère, dans toute la mesure possible, avec les États étrangers aux fins d’échange d’information, d’investigation et de procédure, visant les mesures conservatoires et les confiscations des instruments et produits liés au blanchiment, aux fins d’extradition ainsi qu’aux fins d’assistance technique mutuelle ;”
Haïti est doté du corpus juridique conventionnel, légal, règlementaire et institutionnel lui permettant d’obtenir les informations nécessaires et suffisantes aux fins d’engager des poursuites ou procéder à des confiscations de biens illicites qui pourraient être utilisés pour répondre aux besoins de la population.
Ces sanctions sur le plan politique…
Les sanctions auront également un impact sur le plan politique. Le prochain décret électoral devra prévoir une disposition pour écarter des prochaines compétitions électorales les personnes sanctionnées pour des infractions graves. L’offre politique sera probablement plus crédible.
Le financement occulte des partis politiques et l’utilisation de l’argent sale dans les processus électoraux de même que l’utilisation de la violence dans les campagnes électorales devront être réglementés plus strictement et auront un effet moindre sur les résultats des scrutins. Le renouvellement du personnel politique se fera avec probablement des hommes et des femmes plus crédibles. Le peuple haïtien aura la chance de choisir de meilleurs candidats pour le renouvellement de la classe politique.
La Rédaction
Contact : actualites@haitinews2000.com
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