Cinéma: “Assistance mortelle” de Raoul Peck à la 63ème édition du Festival International du Film de Berlin

Cinéma: “Assistance mortelle” de Raoul Peck à la 63ème édition du Festival International du Film de Berlin
Cinéma: “Assistance mortelle” de Raoul Peck à la 63ème édition du Festival International du Film de Berlin

Dans le cadre de la section Berlinale Specials du Festival International du Film de Berlin (7 Février 2013 au 17 Février 2013), Raoul Peck a présenté son nouveau film “Assistance mortelle” (Fatal Assistance). Ce titre en oxymoron dit l’ironie et la lucidité avec lesquelles le réalisateur haïtien aborde la politique internationale de l’aide humanitaire.

Le film fait le bilan de plus de deux ans d’intervention internationale en Haïti, après le terrible tremblement de terre qui a mis le pays à genoux un certain 12 janvier 2010. La catastrophe humaine a eu un bilan des plus lourds dans l’histoire de notre temps : environ 316.000 morts, 300.000 blessés, 1.000.000 de sans abris, 250.000 habitations et 30.000 commerces détruits.

La réaction de la communauté internationale ne s’est pas laissée attendre. La bonne volonté universelle s’est très vite manifestée. Pays riches, personnalités célèbres, institutions internationales et organisations non gouvernementales ont annoncé leur soutien à la population haïtienne. Mais les bons sentiments, la noblesse des âmes et les déclarations les plus touchantes sont des choses difficilement traduisibles en actes concrets. C’est cela que le documentaire de Raoul Peck semble nous enseigner, pour ne pas dire, remettre en cause.




Cinéma et urgence ne font pas nécessairement bon ménage. Il est trop naïf de penser qu’une réaction artistique et intellectuelle puisse être conçue en concomitance avec les crises graves ou les catastrophes humaines. Les films issus des premières semaines ou même mois de ce qui s’appelle le Printemps Arabe ont été vite dépassés par les événements mais aussi par les différentes formes de discours élaborées avec plus de patience et de pénétration des faits. Raoul Peck a pris son temps. Non seulement il a suivi son sens critique qu’on lui connait mais aussi il est resté cohérent avec son projet. Trois ans après la catastrophe et l’énorme mobilisation internationale, qu’en est-il de la reconstruction promise au Haïtiens?

Que les choses ne se passent pas comme il a été prévu, cela pourrait être compréhensible, mais pour le cinéaste lucide et bon observateur, il y a pire : à l’imprévu structurel auquel toute organisation ou institution pourrait être confrontée vient s’ajouter une forme diffuse d’incohérence qui cacherait des formes plus suspectes et plus ramifiées de profit au nom des bonnes causes. Non seulement une part des promesses n’a jamais été tenue, mais aussi une grande partie de l’argent déboursé s’est évaporée. C’est dire que beaucoup de déclarations sont plus destinées à redorer l’image médiatiques de leurs auteurs qu’à traduire des intentions réelles d’assister les sinistrés. Pis encore, l’aide financière servirait moins à financer les projets de reconstruction qu’au développement et à la promotion des organisations d’aide et leurs lobbys.

Au moyen d’interviews des représentants des différentes structures et l’observation des faits sur le terrain, le réalisateur parvient à démontrer comment le dialogue de sourds entre l’effort international d’un côté et les structures nationales de l’autre se traduit par l’inefficacité la plus totale et conduit même à rendre le drame de la population encore plus absurde, au lieu de l’améliorer. La communauté internationale peut se contenter d’une fausse bonne conscience mais les sinistrés du séisme n’ont pas encore ne serait-ce que des toilettes pour s’en tenir aux besoins les plus basiques. C’est que le tragique dans cette situation n’est pas seulement dans la catastrophe naturelle qui s’est abattu sur Port-au-Prince. Il est à chercher dans l’histoire de l’humanité, comme a déclaré Raoul Peck dans le débat qui a suivi la projection du film dans la Haus der Berliener Festspieler. « Haïti est un pays qui n’est pas supposé exister : premier pays indépendant (1804) dans l’histoire de la colonisation après les USA, et qui plus est, premier pays noir ». Quelle volonté au monde, tel qu’il est actuellement, accepterait qu’un pays pareil puisse se remettre sur pieds ? Et puis il y a un constat encore plus inquiétant : si le monde a échoué dans la reconstruction d’Haïti, cela signifie que l’humanité est incapable de faire face à n’importe quelle catastrophe.

Écrit par Hassouna Mansouri, Africiné


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