Entrepreneuriat Social : Les preneurs d’otages de Delmas 32
Par : Fenley CIUS — Après la brise fatidique d’une nuit enchantée, avant même que le cri du coq fasse son rappel matinal, la population de Delmas 32 se trouve confrontée par l’initiative d’un groupe de jeunes proactifs. Leur mission : Se débarrasser des déchets domestiques des usagers. Ce programme dénommé ‘’Konbit pou yon Nouvèl Ayiti’’, est l’un des meilleures activités sociales et lucratives jamais réalisées dans cette localité qui regroupe 6 quartiers, 17 ruelles, 34 impasses et compte une population évaluée à plus de 90 000 usagers selon J/P HRO.
Nous sommes à Delmas, une commune périphérique de la capitale Haïtienne avec une population de plus de 400 000 milles habitants, 27.74 km2. Un eldorado économique, considéré comme la ville la plus achalandée en Haïti, et la mieux assainie selon les dires des autorités de cette localité. Mais cependant, tout cela n’aurait pas pu être possible sans l’aide de certains jeunes dévoués, qui s’impliquent corps et âme dans les activités pouvant faciliter le développement économique de cette cité.
‘’Lè a rive, tout moun mete sachè fatra yo deyò !!’’ (L’heure est arrivée, à tous les abonnés de mettre leurs sacs de déchets domestiques devant leur domicile). Il est 5 heures du matin, Rickenson Rosier, mégaphone en main, sa voix comme une onde de choc s’impose et active le réveil collectif des usagers. Une journée qui commence dans une guerre de décibels, entre la voix de ce dernier et le ronflement des abonnés, mais qui semble être appréciée par les riverains, puisque la gestion de leurs déchets domestiques sera prise en charge par ces rudes travailleurs. La mobilisation affiche un panorama plutôt agité, semblable à une caravane toute particulière, ou des travailleurs, gants en main, munis de cache-nez et de sacs poubelles de réserve, vont dans toutes les directions pour récupérer les sacs de déchets des particuliers. Chaque seconde, plus précieuse qu’une autre, fait place au son d’un klaxon, car le chauffeur de la camionnette qui transportera les déchets vers un lieu de stockage, reste plusieurs autres quartiers à parcourir. Tout est pris en charge, tout est bien calculé afin de garantir un très bon service pour une localité qui voit tout d’abord en cette noble initiative, un moyen d’encourager un environnement plus propre. Mais pour ces jeunes acteurs très avisés, ils ne font que mettre en application le concept de l’économie sociale et solidaire, qui consiste à concilier activité économique et équité sociale. Du commerce équitable à l’épargne solidaire, qui vise à transformer les innovations sociales ou communautaire en gain, dans le but de contribuer au renforcement économique des collaborateurs immédiats et de la communauté.’’
Selon Me. Joseph Josué Jules, président du programme, cette approche populaire est la clé qui peut transformer nos espaces en communauté créative, car l’état en soi est faible. « À travers ce Konbit, nous contribuons non seulement à rendre plus propre notre localité, mais aussi donnons l’opportunité à 9 jeunes qui étaient livrés à eux même de trouver quoi faire durant trois jours de la semaine, et de bénéficier d’un salaire de 2 500 Gourdes à chaque fin du mois ». D’après ce jeune passionné, dans une approche macro, ce Konbit pourrait résoudre des problèmes socioéconomiques très précaire, et aussi aider à contraindre l’évolution de la délinquance dans cette petite colonie.
*Caricature de la gestion des déchets à Delmas*
L’Article 52.1 alinéa 4 de la constitution du 29 Mars de 1987 fait mention de la protection et du respect de l’environnement un devoir civique. Pourtant cette problématique à Delmas inquiète beaucoup, puisque la plupart des usagers n’ont pas accès à une éducation adaptée aux principes de collectes et de gestion des déchets solides. Selon le directeur de la voirie affecté à la mairie de Delmas, Enel Guerrier, les moyens à mettre en œuvre pour réduire la quantité de déchets solides générés dans la ville, dont la moyenne annuelle par habitant est de 1 mètre cube environ, sont exponentiels. De ce fait, le conseil municipal de temps à autre se trouve dans l’obligation de venir avec de nouvelles stratégies afin de limiter les décharges à ciel ouvert. La situation d’après l’interlocuteur est à surveiller, puisque avec l’accroissement de la population et l’augmentation des entreprises économiques, les déchets domestiques deviennent de plus en plus difficile à contrôler, car il faut plus d’expertises et aussi augmenter le budget des travaux. Le Service National des Résidus Solides (SMCRS) fraichement remplacé par le Service National de Gestion des Résidus Solides SNGRS conformément à la loi Bodeau publiée le 21 septembre 2017, pourrait être un élément de réponse face à l’industrialisation de ce secteur. D’après l’un des membres du cabinet de cette nouvelle entité publique, Gotchen Bernard, les interventions de ramassage et de recyclage des déchets vont devenir une réalité en Haïti, et la commune de Delmas ne sera pas épargnée. Ce travail dit-il va pouvoir être réaliser de concert avec la mairie de Delmas pour mieux entretenir cette commune et faire bon usage des déchets.
Des citoyens et entrepreneur conscients des séquelles de ce secteur
Si pour certains le problème de déchets, reste un handicap qui peut etre techniquement résolue pour d’autres, cette question est strictement politique. C’est le cas de Jacques Innocent, un citoyen engagé de Delmas 32, qui pense que les politiciens utilisent ce secteur pour financer des bourreaux politiques et des organisations de la société civile par l’intermédiaire d’un programme qu’ils appellent CASH FOR WORK. L’objectif de ce programme consiste à embaucher du monde, sélectionné par les organisations populaires pour assainir les rues. Un travail pourtant qui n’est pas fait assez souvent, et l’argent est partagé certaines fois entre les leadersou devient strictement l’affaire d’un individu. Une autre manœuvre selon ce dernier est utilisée, ou les compagnies privées qui sont spécialisées dans le ramassage des déchets manigancent des actions sombres en complicité avec les autorités de la place, de manière à rendre inéfficace les actions des institutions publiques. Ce qui permet à certaines entreprises privées dans ce secteur de bénéficier de cette défaillance pour augmenter leur recette.
Clifford Baron, PDG de SaniClean, entrepreneur haïtien qui a une quinzaine d’années d’expériences dans ce secteur, confirme également que c’est un secteur très riche, pourtant peu exploité en Haïti, puisque d’après lui, Haïti ne dispose pas encore d’un centre de traitement des déchets et de recyclage. Il dit reconnaitre les manœuvres de certains politiciens et entrepreneurs d’empêcher ce secteur d’avoir des résultats. Toutefois, Clifford Baron, à lui seul emplois une trentaine de personnes dans son entreprise, et se dit plus ou moins satisfait de son chiffre d’affaires.
Joseph Josué Jules, Président du Konbit, estime qu’il faut venir avec d’autres formes de technique pour mieux entretenir les quartiers. Cette initiative est pour lui une façon de chambarder toutes les mauvaises coutumes et de sensibiliser les jeunes à s’impliquer dans leur localité. « Si nous pouvons sensibiliser tous les grands quartiers de Delmas à adopter cette formule sur l’économie sociale et solidaire, alors nous aurions plus d’entrepreneurs dans le pays et des citoyens conscients et impliqués dans le problème lié à l’insalubrité ». Toutefois, des séances de formation pour les abonnés et aussi les membres du Konbit sur l’hygiène domestique ; la gestion des déchets ; l’hygiène corporel, sont aussi données à travers ce programme destiné au renforcement d’une éducation sanitaire plus riche et adaptée.
Il est 11h Am, heure universelle, les travaux terminés et encore le soleil peine à prendre sa place au firmament des embryons du ciel. Un nouveau printemps qui s’annonce dans cette localité qui sert d’opium aux preneurs d’otages. Des jeunes qui promettent de rester fidèle à leur engagement : de se battre contre le phénomène de l’insalubrité en pleine expansion.
Fenley CIUS
La Rédaction
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