Jocelerme Privert, un modèle pour la jeunesse haïtienne !

Jocelerme Privert, un modèle pour la jeunesse haïtienne !
Provisional Haitian president Jocelerme Privert gives his inauguration speech accompanied by his wife in the gardens of the National Palace in Port-au-Prince, Haiti, February 14, 2016. REUTERS/Andres Martinez Casares - RTX26XD1

Par Jean Hénoc Faroul —-Ces derniers temps, avec l’éclosion des médias alternatifs sur les réseaux sociaux, grâce à l’internet, de nombreux sites offrent des services gratuits de ce que les hispaniques appellent ‘’superaciòn personal’’. Ce sont en fait, des messages, des techniques, des exemples édifiants, des illustrations, des ‘’success stories’’ (des histoires à succès), des aiguillons, des stimulations, des incitations… au développement personnel. Ces messages, souvent subliminaux, passant au moyen d’images fortes, travaillent notre inconscient et nous poussent à agir. Alors, embrigadés, endoctrinés, impulsés, enrôlés, mus par on ne sait quelle force irrésistible, nous finissons par faire nôtre ce dicton : vouloir, c’est pouvoir ! Souvent, il n’est même pas nécessaire d’aller chercher plus loin…   

J’ai eu l’opportunité d’entendre des amis me raconter le parcours de notre compatriote Jocelerme Privert. Il restait dans mon esprit comme une simple histoire à succès (‘’ a success story’’), de celles-là que je lisais ou rédigeais moi-même pour servir de modèle aux autres, inciter les personnes-cibles à se surpasser, ou les bailleurs philanthropes à ne pas regretter leurs donations qui auront servi la bonne cause.

Mais, quand on a écouté l’histoire dans la bouche même du concerné, du protagoniste, cela prend une autre tournure. Il faut avoir de la gratitude, un mâle courage, quand on est parvenu à des sommets insoupçonnés de la société pour raconter publiquement ses déboires passés, les misères de ses origines humbles. Notre aîné et doublement confrère journaliste et juriste Gérard Georges, eut à dire un jour à l’hebdomadaire haïtien ‘’Le Petit Samedi Soir’’ : << Le courage physique, n’importe quel oisif suralimenté peut l’avoir. Quand au courage moral, ça c’est une autre affaire !>>.

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Cela devient comme un aveu, une confession, cette réminiscence d’un humble passé que plus d’un chercheraient à oublier, effacer de sa mémoire, exorciser… Jocelerme Privert offre à la jeunesse, la preuve d’une réhabilitation sociale et pourquoi ne pas dire, tout simplement d’un rescapé, pour paraphraser l’éminent professeur et hommes de lettres feu Pradel Pompilus… par l’éducation, la conviction et la détermination… Il s’agit d’une histoire presque merveilleuse !

On voit toujours la réussite (ou les lauriers) des grands hommes, sans se douter des douleurs, des épines dont elle n’est que l’aboutissement… Il nous revient à l’esprit ‘’Les Pérégrinations d’une Paria’’ de Flora Tristan (1803-1844) dont la devise fut : ‘’Dieu, Franchise, Liberté’’… Ou mieux encore, les pérégrinations d’Abram ou Abraham, de sa petite cité d’Ur en Chaldée jusqu’à devenir le Patriarche d’Israël ! 

Des études primaires au pays en-dehors 

Originaire d’une modeste petite ville de province et d’une famille très humble, Jocelerme Privert fit ses études primaires à l’Ecole nationale de Petit-Trou-de-Nippes, une bourgade du département des Nippes. Ce département géographique du Sud-Ouest d’Haïti, par sa végétation exubérante, représente l’un des plus verts, sinon le plus vert de la République. Comme un prix à payer, cette région enchanteresse s’avère aussi l’une des plus abandonnées de l’administration d’Etat, siégeant dans la République de Port-au-Prince, et par voie de conséquences, l’un des plus pauvres du pays. Ici, la réalité n’a jamais rien à voir aux grandes potentialités économiques. Il va sans dire donc que rien ne prédestinait le petit Jocelerme au timon des affaires de l’Etat, dans un pays où il est si difficile de percer l’étanchéité des cloisons sociales.  

Le jeune Jocelerme fit partie d’une promotion de dix-sept écoliers, de laquelle il est le seul à boucler ses études secondaires. Après le Certificat d’Etudes Primaires (CEP), il renta à la capitale entamer ses études secondaires au prestigieux lycée Alexandre Pétion. A l’époque, il n’y avait pas, comme aujourd’hui, des vacations diurne, vespérale ou nocturne. La journée scolaire dans les écoles publiques, avait un horaire insoutenable : 8 heures AM-11 heures AM et 2 heures PM-4 heures PM.  

A la fin des années 1970, boucler ses études classiques était un exploit, un parcours de grand guerrier. Les taux de réussite aux examens officiels du baccalauréat avoisinaient les 8%. Les échecs furent la règle, et les réussites, l’exception ! Et ces échecs s’avéraient si injustes, si douloureux que les jeunes d’alors défiaient la redoutable dictature duvaliérienne par des manifestations d’écoliers vites étouffées par les omniprésentes et multiples forces publiques. Malgré tout, Jocelerme Privert faufila par les petits trous (de Nippes) du tamis, de la passoire. Et du baccalauréat, et des concours d’entrée à l’Université d’Etat d’Haïti. 

Marier les études au travail

Après la fin de ses études secondaires, Jocelerme intégra l’Ecole Normale Supérieure ! Il envisageait donc d’embrasser la carrière d’enseignant du niveau secondaire, ce sacerdoce qui ne nourrit point son homme. Il le savait pertinemment, puisque parallèlement il décida aussi de se doter d’une formation de comptabilité, un programme technique d’une durée d’un an. Le 1er octobre 1978, dans la perspective de trouver un emploi, pas trop rare à l’époque pour ceux revendiquant un diplôme professionnel achalandé, il s’inscrivit à l’Institut National d’Administration, de Gestion et de Hautes Etudes Internationales (INAGHEI). Ne laissant pas passer aucune saine opportunité, l’enfant du ‘’Deep South’’ du Sud Profond participa au concours de recrutement organisé par le Ministère de l’Economie et des Finances au profit de l’Administration Générale des Contributions). Le 1er octobre 1979, il est nommé et reçu inspecteur-assistant comptable à ladite institution.     

Il faut rappeler aux plus jeunes que jusque vers la fin des années 1980, l’horaire de travail de l’administration publique haïtienne était de 8 heures AM – 2 heures PM. Il était donc loisible pour les jeunes fonctionnaires dynamiques de suivre dans l’après-midi ou la soirée les cours à l’Université d’Etat d’Haïti, à l’exception des facultés de Médecine, de Génie et d’Agronomie, lesquelles pratiquaient une seule vacation diurne ou matinale.

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Ainsi donc, le Nippois illuminé gagnait à l’Administration Générale des Contributions, devenue depuis le milieu des années 80 Direction Générale des Impôts (DGI) un petit pactole lui permettant de se procurer ses toilettes, acheter ses manuels universitaires et… aider sa famille restée dans son patelin natal. A l’AGC/DGI, il roula sa bosse, acquit de l’expérience, franchit les échelons pour devenir, 17 ans plus tard son Directeur Général, soit le 21 aout 1995. Le technicien entama dès lors une carrière politique qui aboutit à la Présidence provisoire de la République (2016-2017), en passant par les postes de Secrétaire d’Etat aux Finances chargé de coordonner les actions des administrations fiscales et douanières, Ministre de l’Intérieur et des Collectivités Territoriales (2002-2004), Sénateur de la République (2011-2016).

Alors, commencèrent à venir les honneurs matériellement amplificateurs, mais moralement réducteurs, puisqu’ils invitent à s’oublier, se nier… 

Une histoire qui fait méditer

<< Heureux qui comme Ulysse

A fait un beau voyage 

Heureux qui comme Ulysse

A vu cent paysages

Et puis a retrouvé

Après maintes traversées

Le pays des vertes allées…>>

Paroles de Joachim du Bellay (1522-1560). 1522-2022. Il aurait donc aujourd’hui 500 ans d’âge !

L’histoire à réussite (la ‘’success story’’) de Jocelerme Privert doit faire méditer la jeunesse haïtienne d’aujourd’hui. Une jeunesse déboussolée, délaissée, laissée pour compte, vilipendée, déshumanisée, incomprise, frustrée, révoltée, manipulée, crétinisée, trompée, livrée aux antivaleurs… mais qui cherche sa voie de rédemption.

De ce parcours, il s’évidente que rien n’est impossible à ceux qui savent lutter, qui évitent les boulevards de la perdition, de la vie facile, de la ‘’dolce vita’’, pour emprunter les chemins étroits de la bonne réussite. Comme disait l’autre : << La facilite passe, mais l’austérité demeure !>>   

Hier, la réussite passait par les études… Quand on s’instruisait, formait son caractère, on était presqu’assuré de tirer son épingle du jeu. Que dire d’aujourd’hui ?

Aujourd’hui, le désespoir s’est accaparé de la jeunesse haïtienne, une jeune si résiliente.

Comme les 10 plaies d’Egypte, l’insécurité, la misère, le chômage, l’absence de l’Etat, les catastrophes naturelles, la délinquance, l’instabilité politique, la corruption, la méfiance, la rivalité stupide, l’impunité sont en train de tuer l’espoir en Haïti.

La fuite, l’émigration illégale, la drogue, l’abdication, la démission… ne sont point de remède au mal.  

Réinventons l’espoir et le rêve pour les jeunes de notre pays !

Jean Hénoc Faroul, M.A

Spécialiste en communication sociale

Master en Droit/Relations Internationales

Spécialiste en Relations Haïtiano-Dominicaines

Email : jhfaroul@yahoo.com


La Rédaction

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