HAITI / BINUH – SANCTIONS / ETATS-UNIS – CANADA : Le Canada fait le mauvais flic !
Pour bien appréhender ce qui est en train de se passer avec l’activation, en premier par les États-Unis d’Amérique puis le Canada, du régime des sanctions prévues dans la Résolution 2653 du Conseil de Sécurité de l’ONU, il importe de visiter le cadre législatif interne de ces deux pays en la matière versus les préalables à mettre en place et les exigences faites dans le cadre de l’application de ladite Résolution de l’ONU.
Quels sont ces préalables et ces exigences, tels qu’explicités dans la Résolution 2653 ? Il s’agissait de créer un Comité des sanctions, ‘’conformément à l’article 28 de son Règlement intérieur provisoire, un Comité du Conseil de Sécurité composé de tous ses membres, ci-après ‘’Le Comité’’ (arts 19 &20). En appui à ‘’Le Comité’’, la mise sur pied d’une équipe composée de 4 experts appelée le ‘’ Groupe d’Experts ’’, pour une période initiale de 13 mois, placé sous l’autorité du Comité qui prendra les dispositions voulues sur le plan financier et en matière de sécurité pour épauler le Groupe dans ses activités…’’ (arts. 21@24).
Aucune de ces structures n’a jusqu’ici été montée pour résoudre effectivement le problème de l’insécurité en Haïti, si ce n’est le déclenchement bien médiatisé d’une série de sanctions contre des personnalités haïtiennes particulièrement par le Canada.
Exception faite de Joseph Lambert et Youri Latortue, les Etats-Unis pour leur part se sont contentés jusqu’à présent de ne révoquer que des visas en guise de sanctions dans le cadre de l’application de la Résolution 2653, sans aller trop loin comme le gel des avoirs et la confiscation de biens immobiliers, des accusations de trafic de drogue, de corruption, d’enrichissement illicite et blanchiment d’argent. Serait-ce parce que les concernés sont de nationalité étasunienne ? Dans ce cas de figure, le Bureau de contrôle des avoirs étrangers (OFAC) créé en 1950 pour bloquer les avoirs chinois et coréens pendant la guerre de Corée et aujourd’hui chargé d’administrer et de faire appliquer les sanctions aux États-Unis se retrouverait face à un sérieux dilemme de compétence.
On sait bien que les sanctions constituent depuis quelque temps un élément important de l’approche des Etats-Unis en matière de politique étrangère. Elles sont donc visiblement utilisées dans le cas d’Haïti pour atteindre des objectifs diplomatiques et politiques, en réponse à leurs intérêts de sécurité interne et aux développements géopolitiques.
Par contre, quant au Canada, il remplit toutes les conditions judiciaires et juridiques pour jouer le rôle du mauvais flic. Le Canada a en effet activé depuis le 3 novembre 2022 contre Haïti sa ‘’ Loi sur les mesures économiques spéciales ‘’. Le 10 novembre 2022, le ‘’Règlement d’application de la Résolution des Nations Unies sur Haïti ‘’ est entré en vigueur sur la base de l’article 41 de la Charte des Nations Unies. Ainsi sont tombés dans le filet du Canada l’ancien Président Joseph Michel Martelly, les deux anciens Premiers Ministres Laurent Lamothe et Jean Henri Céant, après que les États-Unis ont fait placer Haïti sous le chapitre VII avant le vote de la Résolution 2653 au Conseil de Sécurité.
A défaut de répondre favorablement à la demande des États-Unis de parrainer une mission militaire en Haïti, le Premier Ministre Justin Trudeau et la Ministre des Affaires étrangères Mélanie Joly auraient préféré s’en tenir à la Résolution 2653 en créant plutôt le cadre juridico-légal interne de sa mise en application à partir de la ‘’Loi concernant l’article 41 de la Charte des Nations Unies ou Loi sur les Nations Unies’’ pour ne pas lâcher Washington.
Mais subsiste toujours l’éventualité de l’annulation de la ‘’Loi sur les Nations Unies ‘’ parce que le Sénat et la Chambre des Communes disposent d’un délai de 40 jours pour l’approuver ou non. En cas d’annulation, elle ‘’cesse d’avoir effet, sans préjudice toutefois, de son application antérieure, l’annulation restant inopérante en ce qui concerne tout acte régulier en découlant, notamment en matière d’infractions et de peines ’’.
Les Etats-Unis ne pouvaient, comme ils l’ont fait, que féliciter le gouvernement canadien pour avoir réalisé un tel travail dans si peu temps.
Jean Frantz LASERRE
La Rédaction
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