Que cachent les sanctions canado-étasuniennes ?
Par Jean Frantz LASERRE —- Personne n’est dupe de la vague de sanctions déclenchée par le Canada et les États-Unis contre plusieurs anciens parlementaires haïtiens et parlementaires en fonction, deux anciens Premiers Ministres, Laurent S. Lamothe et Henri Céant, l’ancien Président Joseph Michel Martelly et quelques puissants oligarques comme Gilbert Bigio, Shérif Abdallah et Reynol Deeb, dans le cadre de l’application de la Résolution 2653.
De nombreux indices montrent que les sanctions canado-étasuniennes sont d’un usage équivoque : leurs authentiques motivations sont occultées afin de rallier l’opinion. L’inégalité de traitement des auteurs des mêmes ‘’infractions/crimes’’ constitue en elle-même une inégalité majeure, destructrice de l’ordre juridique. On voit bien qu’il y a patience et indulgence pour certaines violations de la légalité et précipitation pour d’autres.
Les rapports de force dans la société internationale sont toujours inégaux. Cette fracture permet donc aux dominants, Etats-Unis et Canada, d’imposer des sanctions à tout ce qui perturbe cette domination qu’il faut pérenniser en Haïti. Ce phénomène est permanent : seule la justification de ses fonctions varie. Le paradoxe est que cette politique impériale se légitime en se fondant presqu’exclusivement sur l’humanitaire.
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Comme les rapports de force ne sont jamais suffisants, les États-Unis et le Canada ont besoin d’une légitimation idéologique. Il y a donc assimilation de l’idéologie, de la morale et du droit. L’humanitaire et les droits de l’homme sont systématiquement invoqués pour justifier leur interventionnisme contre la souveraineté d’Haïti et pour donner à leurs sanctions une forme juridique les justifiant. Se revendiquant de la démocratie la plus avancée, ils ne peuvent se priver d’un argumentaire juridico-humaniste en faveur de leurs actes.
Pour la doctrine dominante occidentale, les droits de l’homme ne seraient que ‘’civils et politiques’’. Ainsi, les droits économiques et sociaux, indissociables de la souveraineté populaire, ne sauraient fonder aucune ‘’ingérence’’, violés ou inexistants. Autrement dit, les conditions matérielles de l’exercice de la démocratie en Haïti sont ignorées. Donc, la tragédie actuelle du peuple haïtien n’est que l’ordre naturel des choses.
Au gré des intérêts en cause, le droit devient constitutif de la réalité ou négateur de cette même réalité politique : les fictions se substituent aux faits et créent une profonde insécurité juridique. Les principes fondamentaux de la Charte des Nations Unies subissent des interprétations de mauvaise foi qui les vident de leur sens. Le droit des sanctions de l’empire étasunien fondé sur l’extraterritorialité est une composante de la déconstruction généralisée du droit des relations internationales. A l’interventionnisme permanent, y compris par la force armée, les États-Unis ajoutent systématiquement depuis le début du 21e s, des programmes de sanctions, devenus instruments usuels de leur politique étrangère. Au-delà de la promotion de leurs intérêts financiers, les Etats-Unis veulent imposer leurs normes, leur conception du monde et leur mode de vie.
Les mensonges et la propagande, auxquels est soumis le peuple haïtien, l’ont rendu presqu’incapable de relier les évènements aux causes profondes qui les suscitent. Ces sanctions ne sont en réalité que des aboutissements de processus pernicieux. La réalité est inversée, le droit international est bafoué. Le peuple haïtien vit aujourd’hui dans la peur et la confusion ne sachant plus discerner le vrai du faux.
Les États ne s’effondrent jamais d’eux-mêmes, même si le degré de décomposition sociale et politique interne est très élevé. L’État haïtien est depuis l’occupation militaire en 1915 jusqu’aujourd’hui la cible affaiblie de déconstruction et de déstabilisation préparée par l’empire étatsunien. Une opération induite, commanditée de l’extérieur et menée de l’intérieur.
De nombreux États reconnus internationalement et jugés stables et viables comme l’Irak, la Somalie, la Lybie, la Syrie ont été le théâtre de ces manœuvres géo-constructivistes militaires de l’empire étasunien. Les États, comme Haïti, qui ont une véritable assise nationale et une légitimité historique ne sont pas voués fatalement à disparaitre en raison d’un déterminisme naturel, même si l’empire étatsunien a pris le contrôle total du pays après l’assassinat du Président haïtien Jovenel Moise le 7 juillet 2021.
L’histoire pourtant montre que l’hégémonie d’un empire unique n’est pas favorable au maintien de la paix et nuit au développement de tous. Elle apporte aussi la certitude que les peuples ne supportent pas durablement leur domination et que tous les empires sont mortels.
Jean Frantz LASERRE
La Rédaction
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